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Caves troglodytiques : une opportunité pour l’habitat ?

Musée village de troglodytes de Louresse Rochemenier FR-49)

Un site troglodytique est par définition un lieu souterrain utilisé par l’homme, soit pour son habitat, son activité ou son culte. Cet espace peut être naturelle, on parle alors de grotte, ou creusé par l’homme, on parle alors de carrière ou de cave.

Histoire et présence dans le monde

Les origines du troglodytisme remontent à la Préhistoire. Les premiers hommes, par instinct de survie, trouvent refuge dans les cavités rocheuses naturelles qui jalonnent leur chemin. Dans un premier temps, c’est une société de chasseurs-cueilleurs nomades qui installe temporairement ses campements à l’entrée des grottes. Par la suite, ces abris souterrains favorisent la sédentarisation de l’Homme. Le troglodytisme va permettre aux populations de s’abriter et de se protéger dans un premier temps des intempéries et des animaux puis des guerres et des invasions. Avec l’invention des premiers outils, ces sociétés commencent à construire des abris semi-enterrés ou adossés.

Dans la grotte de Liang Bua, en Indonésie, ont été découverts les fossiles d’un nouveau genre d’hominidés, Homo Floresiensis, datés de plus de 50 000 ans.

En France, la grotte de Lascaux, située dans le Périgord noir à Montignac, est l’une des plus importantes grottes ornées du Paléolithique, avec des traces d’occupation humaines datées d’il y a 18 000 à 15 000 ans.

Depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, les hommes ont toujours utilisé les  souterrains, partout dans le monde, et ce pour différentes raisons :

Raison pratique : habiter temporairement ou durablement sous terre

A Vauquois, dans la Meuse, pendant la 1ère Guerre Mondiale, une vingtaine de kms de galeries a été creusée par les Allemands et les Français, avec des cuisines, des lieux de repos, une chapelle et des salles de soins.

Raison défensive : se protéger de l’ennemi

Dans la ville de la Rochelle, en Charente-maritime, a été creusé par les Allemands en 1941, un blockhaus de 300m². Il avait pour but de servir d’abri antiaérien. Il comporte deux grandes chambrées, un bar, un bureau, un local technique et des sanitaires.

Raison économique : conservation des vins dans les caves, stockage et élevage dans les fermes, carrière d’extraction, etc…

A Saint-Bris-Le-Vineux, dans l’Yonne, de nombreuses carrières de roche calcaire ont été exploitées du Moyen Age au 19ème siècle. Au 20ème siècle, des maisons viticoles ont pris places dans ces galeries.

Jusque dans les années 80, le saumurois (Maine et Loire) regorgeait de champignonnières où on cultivait les fameux champignons de Paris. Pour des raisons économiques, ces caves ont été progressivement fermées pour une culture hors (sous) sol. Plus d’infos au Musée du Champignon à Saumur ou la Cave Vivante du Champignon au Puy-Notre-Dame. Aujourd’hui ces caves sont encore utilisées pour la conservation du vin.

Raison religieuse : sépultures et sanctuaires

Les grottes de Mogao forment un système de 492 chapelles bouddhistes, dans la province de Gansu en Chine, creusées dans la paroi rocheuse par des moines à partir du 4e siècle.

Ces cavités se trouvent dans différents types de paysages :

A Matmata, au Sud de la Tunisie, des habitations troglodytiques ont été creusées en plaine dans la roche calcaire, sur plusieurs étages. Elles servaient à se protéger contre les invasions et les fortes températures dépassant parfois les 50°C.

Lalibela est une cité monastique orthodoxe au nord de l’Ethiopie connue pour ses onze églises monolithes dont la plus ancienne remonte au 13ème siècle.

Mesa Verde aux Etats-Unis, représente un pan quasi-disparu de la civilisation amérindienne. Les maisons troglodytiques sont construites sous les falaises des canyons. Les bâtiments ont entre 700 et 1400 ans. Le Cliff Palace compte 150 pièces pouvant accueillir une centaine de personnes.

Situé à 1200 m d’altitude, le monastère espagnol San Juan de la Peña est situé sous un escarpement rocheux naturel. Il a été choisi par les rois et les nobles d’Aragon-Navarre pour être leur panthéon.

et dans tous les climats :

Au cœur du désert australien, les mineurs d’opale se sont installés dans des cavités troglodytiques près de la mine pour s’abriter de la chaleur. Le village de Coober Pedy comprend un réseau de plusieurs mines, un cimetière et plusieurs églises souterraines.

Situées à 15 km de Royan, les Grottes des Fontaines et de Régulus surplombent l’estuaire de la Gironde. Les grottes naturelles de Meschers ont été agrandies par l’homme pour devenir au 19ème siècle des habitations troglodytiques.

Le monastère de Holkovsky, en Russie, a été en partie creusées dans la colline et utilisé comme lieu de culte.

 

Tout cela donne naissance à des architectures très variées en fonction des pays et des roches sédimentaires présentes : 

Situé en Anjou, le village troglodytique de Rochemenier (voir description ci-dessous) comprend 40 anciennes fermes souterraines. Creusées au Moyen Âge, ces habitations ont protégé la population durant des siècles mouvementés.

Trôo, situé dans le Loir-et-Cher comprend sept niveaux de caves. Un réseau de souterrains traverse le tertre sur 5 et 7 km de longueur. Les caves fortifiées recevaient la population en cas d’attaque.

Dans le Kent, en Angleterre, la grotte aux coquillages est un passage souterrain de 21 mètres taillé dans la craie et orné de coquillages. Ce passage a été découvert au 19ème siècle. Le but reste inconnu et la cave aurait été creusée il y a 3000 ans.

Les Grottes de Ægissíða, en Islande, sont des cavités artificielles creusées dans le grès par des fermiers au 12ème siècle et utilisées comme bergeries ou granges. 

ou roches volcaniques : 

La fondation César Manrique sur l’île de Lanzarote, aux Canaries, présente la maison et des œuvres de l’artiste, aménagée dans des bulles de lave en 1970.

Situé en Arménie, Khndzoresk est un village troglodytique creusé dans le tuf volcanique. Il a été habité jusqu’au 20ème siècle.

Ces patrimoines divers montrent la capacité de l’homme à s’adapter à son environnement.

Rochemenier, un village troglo atypique

Il existe une infinité d’exemples de troglodytisme à l’échelle internationale, mais l’une des plus grandes concentrations de cavités troglodytiques se trouve au cœur de la France, dans le Val de Loire.

Entre Angers et Saumur se situe le village de Rochemenier, habité depuis au moins 5000 ans et pendant le Moyen-Âge par des troglodytes.

 

 

Le nom de Rochemenier apparaît en 1273 dans les écrits. C’est la trace la plus ancienne indiquée sur les parchemins de la Baronnie de Montreuil-Bellay.

La particularité de ce village est qu’il est situé en plaine, perdu en pleine campagne. Il faut vraiment venir au-dessus des cours pour découvrir ces habitations. Le village est à 10 kilomètres des bords de Loire et donc totalement différent des villages situés en coteau avec leurs maisons creusées à même la falaise de tuffeau qui bordent le fleuve.

Dans le village, 40 habitations souterraines ont été dénombrées, toutes creusées par les hommes au fur et à mesure des siècles. Au Moyen-Âge, le site est vraisemblablement une carrière à ciel ouvert de laquelle les paysans carriers extraient la roche de falun vieille de 11 millions d’années. Sur le fond de la carrière à peine plus profonde d’une dizaine de mètres, les pièces d’habitations ont été creusées à l’horizontale. La roche est très facile à creuser. Composée de fossiles et de grains de sables de la Mer des Faluns, le pic métallique utilisé alors, creuse facilement ces cavités. La concentration des habitations est telle, que la délimitation des maisons est difficile à définir. En creusant sa maison, chacun pouvait vite arriver dans la maison du voisin.

Ces habitations ont servi de ferme. Les pièces que l’on retrouve correspondent à cette utilisation. Les caves demeurantes ont été creusées pour la famille, la chambre et la cuisine, et pour le animaux, l’étable, l’écurie, le bergerie, le poulailler ainsi que les caves de services, les granges et la cave à vin.

Elles sont dédiées aux exploitations familiales, les productions sont réservées à la famille et permettent seulement de nourrir celle-ci. Une ferme pouvait avoir entre 5 à 10 hectares de terre, composés principalement de céréales, de vignes, de chanvre, de pâturage et d’un potager au-dessus de la maison.

A partir du milieu du 19è siècle, ces fermes ne correspondent plus aux exigences de l’agriculture moderne. La Révolution Industrielle apporte ses grosses machines et sonne le glas des fermes troglodytiques.

Ces habitations ont pu servir de refuge, notamment pendant les Guerres de Religions. Rochemenier est situé juste entre Saumur la protestante et Angers la catholique. Aujourd’hui il reste dans un champs à la sortie du village un fronton d’église, témoin de la dévastation du village de cette époque. Les habitants se sont réfugiés à Rochemenier dans les souterrains et aménagé une chapelle troglodytique.

Les habitants du village sont restés longtemps sous la terre parce qu’ils y ont trouvé des avantages : la température constante et la faible humidité. En ce qui concerne la température, la roche est à 12°c et ne demande en hiver qu’un feu de cheminée pour obtenir une agréable température de 15°c. En été la fraîcheur est conservée et la température varie selon les pièces de 15°c à 20°c. Pour l’humidité, la maîtrise se fait  grâce à la composition de la roche que ne retient pas l’eau. Des puisards sont creusés avant les entrées des habitations pour que l’eau d’orage puisse y être canalisée.

Une partie du village troglodytique est visitable au Musée Troglo. Quatre anciennes habitations, dont deux anciennes fermes et une chapelle souterraine sont ouvertes à la visite de février à novembre. Le tout réparti sur un hectare.

Aujourd’hui, ce type d’habitation est très tendance. Il correspond aux valeurs de notre société actuelle que l’on veut atteindre ou retrouver : écologie, esthétique, authenticité, nature …

Habiter aujourd’hui dans un troglo

Habiter le patrimoine nécessite en premier lieu une prise de conscience de l’environnement dans lequel on vit.

On n’habite pas dans un monument historique comme on habite dans une demeure classique, les précautions et les possibilités de transformer son environnement quotidien subissent des contraintes.

il ne s’agit néanmoins pas d’un retour aux sources ! Revenir dans les troglos oui, mais avec le confort du 21è siècle. Les techniques actuelles améliorent considérablement la vie et le confort de nos nouveaux troglodytes. Les premiers retours ont lieu dans les années 70. Le retour à l’habitation troglodytique se fait dans d’anciennes cavités abandonnées parfois pendant plus de 100 ans. Les creusements ne sont plus autorisés aujourd’hui ou sont soumis à des règles précises. Les mises aux normes au confort actuel sont par conséquent d’autant plus importantes.

Pour habiter dans un troglo aujourd’hui, il faut tenir compte des points suivants.

La propriété du terrain

Commencez par décortiquer la question de la propriété.

Dans le plus simple des cas, le propriétaire d’un terrain du dessus est propriétaire du terrain du dessous, jusqu’au noyau de la terre, sauf s’il y a découverte d’un minerai ou de vestiges qui pourrait intéresser l’état ou une compagnie pour l’exploiter. 

Lorsque les propriétaires sont différents, le propriétaire du sous-sol peut s’opposer à des travaux en surface par le propriétaire du dessus qui porteraient préjudice à son usage des espaces souterrains ; inversement il n’est pas légal d’agrandir la cave sans en référer au propriétaire du dessus. Pour éviter tout litige et simplifier les problèmes de copropriété, l’utilisateur du sous-sol tentera souvent d’acquérir le surface afin d’être maître du sous-sol, sans risque de contestation.

La solidité des lieux

Appelez un géologue pour faire un diagnostic de l’état de la roche. Si besoin procédez au travaux suivants :

Dans certains cas, plutôt qu’un boulonnage le géologue préconise la pose d’un ciel artificiel avec un grillage ancré au plafond rocheux et une couche de chaux projetée. D’autres techniques peuvent être appropriées pour palier à un ciel de cave trop fragile. Est parfois employé aussi du béton projeté renforcé de fibres d’acier, qui évite le treillis soudé, ce qui diminue l’épaisseur et améliore la sécurité, ou encore un produit poreux à base de résine armée de fibre de verre, dont 1 à 2 cm ont la résistance de 7cm de béton. Grâce à une certaine porosité de ce produit, la roche continue à pespirer.

La température

La température de la roche de tuffeau ou de falun est à 12°c. L’isolation est naturelle. Il suffit de récupérer 6 à 8 degrés nécessaires au confort d’une habitation moderne. Pour les atteindre, différents moyens sont utilisés :

Le problème est que la température ambiante supérieure à la chaleur de la roche est immédiatement anéantie par les parois, sitôt que la source de chaleur disparaît et d’autant que la pierre est humide. Pour résoudre ce point :

L’humidité

Dans les habitations creusées dans le falun le taux d’humidité est de 70 à 80%, dans le tuffeau il est encore supérieur jusqu’à 90%. L’humidité remonte par le sol et dans les murs par capillarité.

Pour résoudre ces problèmes, différents moyens sont à disposition :

La lumière

Le problème d’un habitation souterraine c’est le manque de lumière. La lumière est importante pour la santé et enlève la sensation d’étouffement lorsque l’on est sous la terre.

Pour cela des aménagements sont possibles :

Ces conseils sont issus du livre de Patrick Edgard Rosa

Depuis la nuit des temps, l’homme a trouvé dans ces caves naturelles une opportunité simple de recours à un habitat et à bien d’autres fonctions. Longtemps utilisées par l’homme et parfois même par (et pour) les animaux, ces caves ont été abandonnées au cours du 20e siècle pour retrouver un regain d’intérêt à notre ère. N’y trouverait-on pas la façon la plus écologique d’habiter aujourd’hui ? Si un tel projet vous venait à l’idée, prenez bien en compte ses principaux inconvénients et conseils ci-dessus.

N’hésitez pas à ajouter en commentaire d’autres exemples de sites troglodytiques en France ou à l’étranger (avec un lien source si possible).

Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it