Fin de vie des matériaux biosourcés : leur gros atout

Selon une étude menée par le Ministère de l’environnement en 2017, les entreprises du BTP ont produit 227,5 millions de tonnes (Mt) de déchets sur l’année 2014. Pour le secteur du bâtiment seul, ce chiffre s’élève à 42,2 Mt dont 10 Mt de déchets générés liés au second œuvre. Sur ces 10 Mt, seules 3 Mt sont valorisées chaque année*.

Les matériaux biosourcés sont issus de la biomasse animale ou végétale, ils sont composés de diverses bioressources (bois, lin, chanvre, coton recyclé, paille, etc.) et ont des applications multiples (structure, isolation, finitions…). C’est un marché en pleine expansion (+10% de croissance par an), et plus d’un projet de construction/rénovation sur 10 intègre des matériaux biosourcés.

Les bâtiments biosourcés arrivés en fin de vie sont encore trop peu nombreux pour développer et structurer une filière de valorisation dédiée. Des gisements suffisamment importants (supérieurs à 10 000 tonnes/an) devraient néanmoins apparaître entre 2025 et 2045. Il est donc nécessaire d’anticiper dès à présent la fin de vie des matériaux biosourcés en identifiant et en organisant les valorisations des gisements de déchets qui résulteront de leur utilisation.

Valorisation en fin de vie des matériaux biosourcés

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 énonce un objectif clair pour les années à venir : 70% des déchets du BTP doivent être recyclés et 60% de matériaux recyclés devront être intégrés dans les bâtiments.

Lorsqu’elle est possible, la valorisation en fin de vie des matériaux peut être de deux types :

  • Valorisation énergétique dans des unités d’incinération, des chaufferies collectives ou des méthaniseurs ;
  • Valorisation matière (recyclage, réemploi, énergie ou compostage).

Pour permettre la mise en place de filières de valorisation pérennes, l’étape de tri à la source sur les chantiers de déconstruction et les démolitions est clé.

Principales étapes d’une filière de valorisation des déchets du bâtiment


Pour les filières de valorisation des matériaux biosourcés arrivés en fin de vie, l’enjeu se porte plus particulièrement sur deux possibilités de valorisation de la matière : celles pour lesquelles les impacts environnementaux seraient potentiellement les plus faibles, à savoir le recyclage et le réemploi.

En plus d’éviter la mise en décharge ou l’incinération des matériaux, l’intérêt de ces deux types de valorisation est de prolonger le stockage du carbone biogénique dans les matériaux biosourcés, retardant ainsi sa réémission dans l’atmosphère. Pour rappel, le carbone biogénique est le carbone constitutif d’un végétal, provenant du processus de photosynthèse à partir du CO2 de l’air. Il est prélevé initialement par la plante dans l’atmosphère contribuant à la diminution « du stock total » de gaz à effet de serre (GES) et se retrouve dans le produit fini mis en œuvre dans le bâtiment. Plus le stockage carbone dans le matériau est durable dans le temps, plus « l’effet puit carbone » est optimisé.

Pour le recyclage et le réemploi, différentes pistes sont envisagées. Pour certains isolants, comme la ouate de cellulose, la paille ou tous les isolants « bruts » en vrac (balles de riz par exemple), il pourrait être possible de les réemployer tels quels avec la même fonction dans un nouveau bâtiment. Les panneaux manufacturés pourraient potentiellement être effilochés avant réutilisation en partie dans de nouveaux isolants. Les bétons biosourcés pourraient être broyés : les granulats broyés peuvent être intégrés en partie dans la fabrication du nouveau produit. Les exemples qui suivent détaillent ces différentes pistes.

Exemples

La ouate de cellulose est composée de vieux journaux triés qui sont broyés en flocons à fibres longues puis mélangés à des sels minéraux. Ainsi traité, l’isolant devient imputrescible et ignifuge. L’entreprise ISOCELL, qui commercialise de la ouate de cellulose, témoigne de la très bonne tenue dans le temps de son produit correctement mis en œuvre en prenant deux exemples de déconstruction qui démontrent que 20 ans et 17 ans après, le matériau est resté intact et qu’il pourrait être réutilisé tel quel.

Le béton de chanvre est un mélange de chènevotte fibrée, de chaux et d’eau. Selon une étude menée par le programme de recherches Mabionat (collaboration entre les laboratoires de l’Ifsttar et du Cerema) en Mai 2016, le béton de chanvre conserve en vieillissant ses propriétés acoustiques et sa conductivité thermique. Pour être valorisé en fin de vie, le béton de chanvre doit subir une transformation : il est concassé pour être réduit à des granulats de tailles similaires à celle de la chènevotte.

Source : Etude CEREMA (présentée à Mabionat) sur le recyclage du béton de chanvre

Les résultats de cette étude montrent qu’on peut incorporer entre 20 et 50% de granulats recyclés dans le béton de chanvre afin qu’il garde ses propriétés et réponde aux règles professionnelles d’exécution d’ouvrages en béton de chanvre.

Parmi les matériaux biosourcés, la filière bois est déjà particulièrement bien organisée sur la question du recyclage et du réemploi. Le gisement des déchets de bois est estimé à 14 millions de tonnes en France.

Le bois en fin de vie est classé selon 3 catégories :

  • Catégorie A : Bois non traité
  • Catégorie B : Faiblement traité
  • Catégorie C : Déchets dangereux (exemple : traverses de chemin de fer créosoté).

Les bois de catégorie C ne font pas l’objet de valorisation car jugés dangereux. Ils sont alors enfouis dans des centres de stockage prévus à cet effet (ISDD). Selon l’Ademe, 57 % des déchets de bois sont valorisés en tant que matière (palettes, panneaux à particules), 22% sont valorisés énergétiquement (chaufferies collectives) et 21% sont éliminés (enfouissement).

Conclusion

Le sujet de la fin de vie des matériaux est de plus en plus prégnant dans le secteur de la construction. L’époque où l’on construisait des bâtiments sans se soucier du sort en fin de vie des matériaux le constituant est révolu. La mise en place de filières de valorisation est un processus qui s’opère sur le long terme et se prépare bien en amont.

Plusieurs études et travaux sont donc en cours notamment pour les isolants biosourcés pour lesquels les filières de valorisation devront être en place dans quelques années. Certains matériaux biosourcés se démarquent toutefois par leur longévité (c’est le cas de la paille notamment avec l’exemple de la maison Feuillette qui, construite en 1920, a conservé intactes 100 ans plus tard ses propriétés thermiques). Cela laisse donc encore un peu de temps pour réfléchir à leur possible réutilisation !

Source : *« Entreprises du BTP : 227,5 millions de tonnes de déchets en 2014 » – CGDD/SOeS Datalab essentiel n°96 – Mars

Article réalisé avec la collaboration du bureau d’études Karibati

Karibati est une entreprise innovante née de la conviction que le bâtiment de demain intègrera le végétal pour devenir performant aux niveaux environnemental, économique, social et culturel. Karibati accompagne les acteurs publics et privés qui innovent grâce aux matériaux biosourcés pour le bâtiment. Notre nom associe « kari » qui signifie « jardin » en Maori et « bâti ».

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