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  • Labels de construction : sont-ils pertinents ?

Partout, pour tous produits, nous voyons fleurir des labels, d’innombrables labels ! Il y en a tant que le consommateur ou l’utilisateur que nous sommes ne s’y retrouve plus.

C’est devenu assez évident pour la nourriture, des labels à n’en plus finir  : “Appellation d’origine protégée” (AOP) ; “Indication géographique protégée” (IGP)  ; “Spécialité traditionnelle garantie” (STG) ; “Agriculture biologique” ; ” Label rouge” ; “La certification de Qualité” ; “Produit de montagne” ; “fermier” ; “produit de la ferme” ; “produit à la ferme”. On trouve aussi des rattachements communautaires : “Origine France garantie” ; “Viandes de France” et “Fabriqué en France”. Et enfin la mention “Issue d’une exploitation de haute valeur environnementale”.

Nous voilà face à 14 “revendications” officielles, fréquentées au quotidien et, malgré tout, l’acheteur ne s’y retrouve pas.

Alors, pour le bâtiment, secteur beaucoup moins fréquemment abordé que la nourriture, où en sommes-nous ?

Préalable

La Thermie

La palme des labels (au moins pour leur nombre) revient indéniablement à Effinergie. Citons en vrac : en novembre 2016, lancement du label E+C-, base de lancement de la future réglementation RE 2020 ; qui, en 2017, s’est éclaté en 3 labels différents : BBC Effinergie 2017 (BBC pour Bâtiment Basse Consommation) ; BEPOS Effinergie 2017 (BEPOS pour Bâtiment à Energie Positive) ; BEPOS+ Effinergie 2017. Parallèlement, Effinergie nous propose un label pour la rénovation : Effinergie Rénovation. Dernier apparu, il concerne les bâtiments dits remarquables : Effinergie Patrimoine.

A notre connaissance et selon nos constats, à elle seule (en 2020), cette association porte donc 5 labels.

Plusieurs sont mis en place par d’autres organismes : HPE et THPE (Haute Performance Energétique, et Très Haute Performance Energétique).

N’oublions pas le label Bâtiment Biosourcé, ni celui lié au carbone, BBCA (pour Bâtiment Bas CArbone).

Ajoutons enfin les labels étrangers les plus diffusés en France, tels que : l’allemand Passiv Haus, lui-même subdivisé en 7 labels différents selon le type de bâtiment et le niveau de performance ciblé) ; le suisse Minergie, subdivisé en 3 niveaux de labellisation, sans oublier l’américain Leed ou l’anglais Breeam… Waouh, arrêtons là, ce sont déjà 10 labels français et 12 étrangers, soit 22 labels… rien que pour la performance énergétique !

Autres points labellisés

Bien évidemment, de nombreux autres labels nous sont proposés :

Ces listes ne sont pas exhaustives et pourtant nous avons déjà dénombré 29 labels pour le bâtiment

Les promesses des labels (à court terme)

Contrairement aux normes, rien n’oblige à s’y conformer.

Accès au confort

Tout occupant d’un habitat souhaite y accéder au meilleur confort possible. Selon plusieurs études, c’est même la motivation première (pdf) de ceux qui réalisent ou font réaliser des travaux d’amélioration énergétique.

Économie d’énergie

La plupart des labels sont orientés vers cet objectif : économiser de l’énergie. Ceci est motivé par trois raisons :

  • Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir nous chauffer.
  • Les surfaces habitables par habitant sont de de plus en importantes.
  • L’énergie devenant de plus en rare, elle est de plus en plus chère,
  • Plus on brûle d’énergie, plus on fait appel aux ressources fossiles et ainsi, plus on relâche dans l’atmosphère du carbone piégé dans le sol au Carbonifère et … plus on contribue au dérèglement climatique.

Performance 

C’est ce que les labels nous promettent le plus, il faut simplement s’entendre sur quelle performance on met l’accent.

Moindre consommation de ressources à l’exploitation

Les consommations à l’exploitation semblent être l’obsession de ceux qui étudient, développent, orientent et rédigent les labels.

Sécurité

Le moins que nous attendions d’un label c’est, au-delà des consommations diverses qu’on nous annonce moindres, que la sécurité soit, à l’opposé des consommations, la plus grande possible.

C’est en tout cas ce que, souvent, ceux qui adhèrent espèrent obtenir, ceci au milieu du reste qui, peut-être, correspond plus aux promesses des labels. 

Les promesses tenues des labels

Les labels permettent généralement, dès lors qu’ils sont bien respectés, d’atteindre les objectifs promis. Cependant a-t-on, en amont, pensé à tous les objectifs ? Par exemple le fait de permettre une consommation faible pour chauffer l’hiver apportera-t-il aussi une consommation faible pour le maintien dans une plage de confort correct l’été ?

Température haute facile à atteindre

Manifestement, OUI, les labels permettent d’atteindre des températures élevées avec moindre consommation d’énergie.

Tous les labels liés à la gestion thermique des habitats permettent de disposer de volumes faciles à chauffer. Encore que nous connaissions des maisons qui, non labellisées et probablement non labellisables, affichent pourtant des résultats au moins aussi bons.

Ce que n’atteignent pas les promesses des labels

L’accès au confort

Tel que nous l’avons présenté de nombreuses fois dans ces colonnes, le confort relève de ressentis, ce qui est impossible à traduire en équations et donc, par voie de conséquence, impossible à normer ou même labelliser.

Chauffer à moindre coût à une température déterminée n’est absolument pas un gage de confort et, par exemple, ceci favorise la présence de vapeur d’eau dans l’air. Or en cas d’humidité relative trop élevée, pour revenir en zone de confort, il faut chauffer à une température supérieure … ce qui, de fait, risque fort de mettre à mal l’objectif de base !

Que penser du confort d’été, sinon qu’il est très souvent le grand oublié de la plupart des labels et que, pourtant, c’est probablement un des défis du futur !

Les économies d’énergie

Si nous prenons en considération non plus seulement les consommations d’énergie liées à l’exploitation, mais aussi celles liées à la réalisation, à la construction ou aux travaux d’amélioration, que constate-t-on ? 

Prenons, à titre d’exemple, les VMC double flux.

Compte tenu de la complexité de la machine centrale, du réseau aéraulique, des caissonnages d’habillage en beaucoup plus grand nombre, de l’entretien nécessaire des gaines d’insufflation, du changement régulier des filtres et de la durée effective et réelle de vie de chacun des éléments, à commencer par la machine elle-même, ces systèmes ne permettront jamais l’amortissement de l’énergie nécessaire à leur fabrication, leur transport, leur installation, leur entretien…

Il faut tout prendre en compte. 

Parmi d’autres oublis, il n’est jamais tenu compte des déplacements de tous ceux qui œuvrent à la mise en place du système : le spécialiste installateur du réseau général, le plaquiste que réalisera les caissonnages ; le spécialiste de l’équilibrage du système, la visite nécessaire (au moins bisannuelle) d’entretien de ces machines, le changement des filtres …

Nous connaissons des maisons parfaitement conçues pour la performance d’hiver, avec de très nombreuses menuiseries en capacité de capter des calories l’hiver afin de limiter la consommation d’énergie pour le chauffage mais qui, faute de protections solaires adaptées, nécessitent le recours à la climatisation l’été.

Pourquoi, direz-vous, ne pas avoir prévu ces protections solaires alors même que chacun connaît les effets néfastes du rayonnement solaire l’été ? Le plus souvent c’est parce que les modes constructifs, les épaisseurs d’isolant, les systèmes divers consacrés à l’obtention du label, le coût du label lui-même, ont fait monter l’addition et qu’il faut chercher des économies … sur des postes qui ne remettront pas en cause l’obtention du label.

Les économies de ressources

Les ressources concernent tout ce qui est nécessaire pour fabriquer un élément, du plus simple au plus complexe, ainsi que ce qui est nécessaire pour son fonctionnement ou son entretien.

Au-delà des besoins pour le fabriquer s’il s’agit d’un système actif (eux aussi à prendre en compte), tout ce qui permet de l’entraîner, de le mettre en mouvement, de le chauffer, de le refroidir, des ressources très particulières sont nécessaires : les énergies.

Nous allons, pour la suite de ce paragraphe, nous limiter aux autres ressources que l’énergie.

En résumé, ce sont les matériaux nécessaires à la fabrication des éléments.

Pour isoler les murs d’une bâtisse, il faut … de l’isolant. Ce dernier est fabriqué à partir de ressources, lesquelles ne sont pas inépuisables ni n’ont une durée de vie et d’efficacité éternelles.

Pour autant qu’il soit possible (puisqu’un développement et/ou une fabrication et/ou une mise en œuvre sous-entendent consommation et que rien n’est disponible sans limite), nous devrions aussi prendre en compte ces réalités afin de ne pas dilapider notre patrimoine planétaire

Il s’agit là de prendre en considération le développement durable, lequel se résume en une phrase simple :

“Développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs”.

Nous avons déjà abordé ce sujet ici, dans un autre article.

La salubrité

Les objectifs sont toujours basés sur l’atteinte d’un niveau de performance isolante donné très élevé dépendant du sacro-saint “lambda”, selon une approche fondée principalement sur le calcul du R.

De ce fait il n’est quasiment jamais fait allusion aux types de matériaux qu’il faut privilégier pour, certes, atteindre les objectifs fixés mais en respectant les occupants.

C’est même assez souvent l’inverse qui se produit. En effet, être doté d’un bon lambda ne signifie pas forcément, pour un isolant, être doté de grandes qualités par ailleurs (vidéo) ….

Par exemple, les isolants pétrochimiques, pourvus de lambdas a priori très intéressants et qui, malgré tous les inconvénients qu’on leur connaît, sont très souvent privilégiés. Parmi les “faiblesses” que nous leur reprochons, citons les émanations toxiques en cas d’exposition à des chaleurs élevées (vidéo), que ce soit du fait de leur propre combustion (lorsqu’ils ne sont pas ignifugés) ou du fait d’une pyrolyse provoquée par la combustion d’autres éléments (lorsqu’ils sont ignifugés).

La non-perspirance de ces isolants ne favorise pas la migration de vapeur d’eau au travers des parois, ce qui, dans des cas extrêmes, peut engendrer des moisissures, avec toutes les conséquences sanitaires que l’on sait. 

Les communications relatives aux émissions de COV sont un semblant de mascarade ; de plus on n’y prend pas en compte les CIOV (vapeurs d’ammoniac …).

Les faibles coûts d’exploitation

Les labels nous promettent des coûts liés aux consommations de chauffage de faibles à très faibles. C’est vrai si on s’en tient à l’énergie consommée pour le maintien à une température donnée.

Cependant il faudrait aussi prendre en compte le maintien opérationnel de systèmes très complexes, souvent nécessaires et donc préconisés, voire prescrits, pour l’atteinte d’un niveau de faible de recours au chauffage.

L’exemple le plus emblématique est la VMC double flux, déjà citée ci-avant et que nous ne ferons que rappeler.

Les équipements de plus en plus sophistiqués qui sont intégrés dans les habitats labellisés à haute performance thermique sont infiniment plus fragiles que des solutions plus “basiques”, voire “low-tech”. 

Qui dit plus fragile dit plus souvent en panne et nécessité d’intervention de professionnels spécialisés dont les coûts d’intervention sont loin d’être négligeables. Il n’est pas rare de devoir débourser 200, 300, voire 500 euros, pour remettre en ordre de marche, relancer ou recalibrer tel ou tel appareil.

Qui dit plus de fragilité dit risque fort d’une durée de vie courte, possiblement plus courte que le temps initial théorique d’amortissement.

Le coût de remplacement des appareils suite à leur fin de vie ne pouvant plus être mis au débit du coût de construction, il faudra bien l’imputer quelque part … en l’occurrence ici, en tant que charge d’exploitation.

La durabilité

Il n’est pas question pour nous de dire que, globalement, une maison ou un immeuble labellisés thermiquement auront une durée de vie plus courte que leur équivalent plus classique.

Cependant, tel qu’abordé ci-avant dans le paragraphe dédié aux coûts d’exploitation, la durabilité de chaque élément risque fort d’être moindre que son équivalent plus simple et, plus encore … de son non équivalent car… absent dans un habitat infiniment plus simple.

Si la durabilité globale est appréciée sous l’angle de l’empilage d’éléments eux-mêmes moins durables, alors la durabilité réelle aura un coût plus important … mais aller plus loin dans cette voie, nous ferait tomber dans la redondance, nous n’en dirons donc pas plus.

Le respect de l’environnement

Compte tenu de la consommation beaucoup plus importante de ressources et d’énergie pour leur fabrication que ce qu’elles permettront d’économiser, nous ne résistons pas à faire un parallèle avec un autre exemple, celui de mini-balles épandues sur une réserve d’eau aux Etats Unis d’Amérique et qui a évité, en 18 mois, l’évaporation de 1,7 millions de m3 d’eau mais qui en ont nécessité 2,9 pour les produire !

Vu sous l’angle des ressources, il apparaît évident que le plus souvent les labels ne permettent pas d’accéder à la vertu environnementale.

Pour cet aspect environnemental, il faut aussi ne pas occulter le recyclage des éléments.

Nous l’avons déjà abordé dans ces colonnes, et nous rappelons que les laines minérales (50 % des isolants utilisés en France), de facto, ne seront jamais recyclées pour des raisons principalement financières. Les autres “vedettes” parmi les isolants que sont les polystyrènes et les polyuréthanes ne seront pas non plus recyclés, ou très peu. En ce qui les concerne, ce sont plus des raisons techniques qui en sont la cause.

Conclusion

Impulsés par des raisons d’orientation vers des performances énergétiques de haut niveau, les labels atteignent la majorité de leurs objectifs.

Ceci est à porter à leur crédit… encore que, à l’usage, on ait vu dans certaines études que les habitants ont tendance à surchauffer !

De nombreux aspirants à un habitat le moins coûteux possible à chauffer optent pour ces labellisations.

Ils espèrent en même temps accéder à un haut niveau de confort et œuvrer pour l’environnement, le leur et, plus largement, le respect de la planète.

Force est de constater que si les labels ne sont pas un empêchement à l’atteinte de ces autres objectifs, ils n’en sont pas non plus l’aiguillon.

Du fait de contraintes fortes liées à l’obnubilation de la performance énergétique tel qu’évoqué ci-avant, Ils peuvent même en éloigner les signataires.

Ceci nous amène à nous poser la question de leur intérêt réel, en dehors de pouvoir afficher une faible consommation d’énergie à l’exploitation. Nous pensons que c’est cher payer ce résultat, à divers égards, pour des gains réels très hypothétiques.

Pour revenir à l’humour de nos cousins québécois, si le maniement des labels multiples fait plaisir à certains, nous leur souhaitons de bien continuer les actions de “pelleteux de nuages” mais nous n’y participerons pas .

Nous aimerions qu’un mouvement non basé sur une labellisation émerge et soit suivi par le plus grand nombre : la pertinence !

Crédits photos :  Giovanni_cg,  geralt,  klimkin,  stevepb,  skeeze de Pixabay

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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