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  • Les blocs isolants pour murs extérieurs, la bonne affaire ?

De multiples blocs isolants ont vu ou voient le jour, souvent présentés comme des solutions innovantes, normal, elles sont nouvelles. Si ces blocs isolants sont innovants, sont-ils une réponse pertinente aux besoins réels d’augmenter la performance thermique de nos murs, particulièrement en terme de lambda, ce qu’ils revendiquent ? Permettent-ils de se passer d’une isolation complémentaire rapportée ? Apportent-ils des améliorations au plan environnemental ?

Voilà les sujets qui vont nous servir de fil conducteur car, à tout le moins, il nous faut nous poser les bonnes questions.

Un peu d’histoire sur l’évolution de la construction.

Situation ancienne

Autrefois, jusqu’à la fin du XIXème siècle, débuts du XXème, la France était essentiellement rurale. De multiples petites exploitations agricoles, une vie organisée autour de cette activité : tous les petits métiers, du charron au maréchal ferrand en passant par le mérandier, le journalier, la lavandière, le sabotier, le négoce de produits agricoles, l’épicerie, le(s) bistrot(s), le bouvier qui achète les animaux, …

Tous ces métiers nécessaires pour la vie courante, étaient complétés par quelques “spécialistes” pour le bâtiment : tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs en chaume … Chacun, selon ses moyens, faisait appel à eux pour la construction de sa maison ou de ses bâtiments agricoles. Le plus souvent leur intervention se limitait au stricte nécessaire et le gros du travail consistait en une auto-construction.

Les matériaux utilisés étaient ceux disponibles localement, région par région. On voit ainsi de grandes régions à murs en pierre, d’autres à murs en pisé, d’autres encore à murs en brique de terre cuite, à ossature bois à colombage avec remplissages divers, brique, torchis …

L’architecture, bien que variable et soumise aux éléments extérieurs (long hiver, vents dominants), pente, et autres contraintes, était organisée autour d’une vie partagée avec les animaux, dessus, à côté, avec, et du stockage du fourrage dans les greniers.

Evolutions engendrées par le 1er conflit mondial

Construire prenait beaucoup de temps. Ceci a prévalu jusqu’au choc de la 1ère guerre mondiale.

Aussi dramatique qu’elle ait été, elle a permis la mise au point et le développement de nombreux matériaux et techniques qui sont encore la base de nos sociétés : la force motrice qui a permis de remplacer  la traction animale par celle des tracteurs, camions et automobiles, le développement de l’aviation, la chimie moderne …

Ciment Portland

Le bâtiment aussi a bénéficié du développement de techniques nouvelles : la sortie de terre des forts militaires et de différents systèmes de défense avait été possible grâce à leur édification en béton. Le ciment Portland s’est avéré le plus adapté à cet usage et il a alors supplanté le ciment Vicat ou les chaux.

Comme tout conflit, il prit fin, ce qui représente le début d’une nouvelle ère et des phénomènes jusqu’alors inconnus. Le premier de ces phénomènes, le plus important à notre avis, fut une migration des populations rurales vers les centres industriels. Cette migration a généré un manque cuisant de main d’œuvre dans les campagnes, tant pour l’exploitation agricole que pour l’édification des bâtiments.

Situation nouvelle et évolutions

Les migrations de population ont engendré un grand besoin en habitat nouveau : les cités ouvrières.

Ces constructions devaient être édifiées rapidement et il n’était plus possible de se contenter de la mise en œuvre simple de produits natifs tels que la pierre ou le pisé. L’industrialisation et la production de masse d’armements avaient mis en évidence l’intérêt de standardiser des produits ou des principes, le fordisme était passé par là. Il a donc été fait appel aux chercheurs, ingénieurs et autres novateurs pour trouver des solutions en adéquation avec les besoins.

Le ciment Portland permet une prise beaucoup plus rapide que la chaux, il lui a donc été préféré. Assembler des pierres était forcément long, il fallait les ajuster une à une, la solution était de s’orienter vers des blocs standardisés assemblables avec un mortier avec liant qui assurait une construction relativement homogène, évitant les murs épais.

Le bloc béton était né !

Il a répondu à des besoins réels et permis de faire face à des situations d’urgence. Magnifique évolution technique !

Son complément fut le passage des bois équarris aux bois sciés et donc plus de facilité là aussi à la réalisation des charpentes, mais ceci est une autre histoire.

Les apports du bloc béton

Le bloc béton, magnifique invention, a donc permis de faire face aux besoins de l’époque. Il a permis d’édifier rapidement de nombreuses unités d’habitation, ceci du fait de sa standardisation, tant dimensionnelle qu’en terme de résistance mécanique, sur l’ensemble du territoire.
Sa mise en œuvre relativement simple et rapide lui a assuré un joli succès commercial et en a permis un développement très rapide.

Ses quelques inconvénients

Un mur en béton au ciment Portland n’apporte pas les mêmes avantages que les anciens murs faits selon les techniques et architectures vernaculaires.

Dans l’ordre de ce qu’apportaient les murs massifs anciens, avec par ailleurs toutes les contraintes qui les entourent, nous pensons que la moindre résistance thermique de ces murs “modernes” à base de blocs béton est un des inconvénients majeurs. L’apparition des parpaings dits parpaings creux a amélioré un peu les choses, mais pas au point que les murs ainsi réalisés deviennent, à eux seuls, confortables.

Nous avons déjà abordé ce handicap ici, lequel a prévalu au développement des isolants thermiques. Vous pouvez consulter notre article intitulé La laine de verre : si révolutionnaire ?

Un autre inconvénient important par rapport aux techniques anciennes est leur faible capacité à laisser migrer la vapeur d’eau générée lors de la vie à l’intérieur (selon diverses sources, entre 2 et 3 litres d’équivalent eau liquide par personne et par jour).

C’est ce qu’on appelle la perspirance. Elle est le pendant pour les parois de ce qu’est la respiration pour la peau. Il est pourtant très important de permettre à la vapeur d’eau de s’échapper car, lorsqu’elle est en excès dans l’air intérieur, elle fait monter le taux d’hygrométrie relative et le risque d’un point de rosée matérialisé est plus important. Ce point de rosée a, entre autres conséquences, celle de favoriser le développement de moisissures et auréoles. La gêne n’est pas que visuelle car ces moisissures émettent des spores très allergisantes, ce qui peut provoquer des maladies des voies respiratoires.

Le ciment Portland, liant unique des agrégats, l’autre composant, nécessite de très grandes quantités d’énergie pour sa production. Nous avons, ici, déjà publié un article qui aborde ce sujet. Il est  intitulé “Cembox, un béton pas si écolo”. Un extrait de cet article : Ciment : 5% des émissions mondiales des gaz à effet de serre Rapport de développement durable 2011 – Lafarge page 11 § “Changement climatique”,

Cette consommation d’énergie, majoritairement d’origine fossile, engendre le relâchement dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, le CO2 en tout premier. Alors si le CO2 est nécessaire à la vie et n’est pas, en soi, notre ennemi, son émission en très grande quantité pose problème. C’est ce que nous avons déjà développé dans nos colonnes dans un article intitulé “Carbone, et si on se trompait de combat”.

Le développement des parpaings au ciment Portland a, du fait de son montage au mortier de ciment, provoqué la disparition de nombreuses unités locales de production de chaux.

Les agrégats nécessaires à la production des bétons, particulièrement le sablecommencent à manquer cruellement.

La situation environnementale actuelle

Nous voilà face à de nouvelles contraintes, à force de consommer de l’énergie fossile, nous avons engendré un joli bazar au plan climatique. Oh, bien sûr, il en est pour dire que ce sont des vues de l’esprit, des “complots” pour nous faire passer par le chas de je ne sais quelle aiguille, mais bon, force est, objectivement, d’en faire le constat.

Au delà de la consommation d’énergies fossile, la consommation irraisonnée de nombreuses autres ressources fossiles, sans tomber dans la paranoïa, est, à tout le moins, à prendre en compte.

Dans le bâtiment, une des consommations les plus importantes, au-delà de celles liées à la construction, est due à l’exploitation, principalement pour le chauffage et la production d’eau chaude.

Afin de tendre vers des solutions vertueuses, les autorités de tutelle essaient d’imposer de nouvelles normes prenant en compte ces deux sources de consommation de ressources et d’émission de gaz à effet de serre. C’est l’orientation pour la nouvelle législation, que certains ont déjà baptisée RT 2020. Elle sera développée suite à des retours d’expérience issus du label intermédiaire Energie+, Carbone- (E+, C-)

Le contexte des performances thermiques du bâtiment

Le sens de l’histoire est une orientation vers des bâtiments à énergie positive, des bâtiments qui, en moyenne annuelle lissée, consomment moins qu’ils produisent.

La base de tels bâtiments est qu’ils nécessitent le moins d’énergie possible pour leur maintien à une ambiance confortable, énergie, si possible produite sur place grâce à divers dispositifs, le plus répandu étant l’installation de panneaux photovoltaïques. En terme de chauffage, cela passe par l’isolation. Moins un bâtiment fuit, plus il est vertueux.

C’est vrai pour l’hiver : sortie des calories, mais aussi pour l’été : pénétration des calories. Il est difficile de parler dans ce cas de l’été de fuite, on ne dit pas d’un bateau qui prend l’eau qu’il fuit, n’en demeure pas moins que la pathologie qui le frappe est la même que celle qui touche le seau percé : passage d’eau là où on ne le souhaiterait pas.

Voyons donc, dans un  1er temps, le passage de l’intérieur vers l’extérieur.

Sur le plan physique, il s’agit d’une migration de calories. Sur le plan législatif, le minimum requis par la réglementation en vigueur, actuellement RT 2012.

S’il n’est pas de valeur fixe imposée, il est couramment admis que la performance minimale pour les parois est un R de 4 (résistance thermique, elle dépend du lambda des matériaux et de leur épaisseur).

Le confort l’été est plus lié au déphasage, temps nécessaire pour qu’une calorie travers une paroi ou un élément de paroi. Vous pouvez, pour bien comprendre ce phénomène, visionner une de nos vidéos qui lui est dédiée. Dans l’idéal, il faudrait atteindre un déphasage de minimum de 10 heures.

Une autre règle absolue à respecter : l’étanchéité du bâti au vent, sanctionnée par un contrôle communément dénommé “blowertest”.

Les blocs isolants permettent-ils d’atteindre ces objectifs ?

Les nouveaux blocs isolants, une révolution ?

L’objectif, en terme de R est d’atteindre un minimum de 4.Voyons quelques valeurs* de différents blocs de béton conventionnels et isolants sur le marché :

BLOC fabtherm 2

Des bloc isolants aux performances en deçà des exigences

Pour ce qui concerne les valeurs des parpaings dits isolants, nous nous sommes volontairement appuyés sur la gamme exclusive d’un fabricant. Il nous a semblé avoir ainsi une certaine cohérence dans les évolutions. Ceci ne signifie bien évidemment que d’autres productions n’existent pas ni que celles-ci seraient meilleures ou moins bonnes. Certains groupes de négoce communiquent sur des valeurs R pouvant atteindre 2,5, nous n’en n’avons pas découvert un exemple concret.

Le mieux que nous ayons trouvé est un R de 2,13.

Il apparaît d’emblée que ces blocs ne permettent pas, à eux-seuls d’atteindre le R minimum ciblé de 4.

Dans la réalité de la mise en œuvre, ceci serait accentué par l’obligation d’intégrer à ces parpaings tous les piliers et linteaux nécessaires à la bonne tenue de l’ensemble, créant ainsi autant de ponts thermiques. Ceux-ci seraient d’ailleurs relativement nombreux, particulièrement dans les zones à risque sismique. En général, on en trouvera au moins à tous les angles, sur les côtés des menuiseries et pour les linteaux.

Pour le déphasage, les calculs amènent à des valeurs de l’ordre de 8 h à 8 h 30, l’incertitude étant due à la non connaissance de l’épaisseur réelle du polystyrène par rapport à celle du béton de pouzzolane/ciment. Ceci représente un gain important puisqu’un parpaing conventionnel en béton de gravier/sable/ciment n’apporte qu’environ 5 heures. Il est cependant communément admis que l’idéal serait d’atteindre 10 heures ou plus.

Peuvent-ils assurer à eux-seuls l’étanchéité à l’air minimale requise ? Nous n’avons pas trouvé de document attestant l’atteinte du résultat ciblé, nous n’avons pas, non plus, trouvé de document attestant, de façon certaine, l’incapacité à y parvenir. Cependant notre expérience du chantier nous autorise à affirmer que ce n’est pas possible.

Donc ces nouveaux blocs isolants, bien qu’ayant connu une progression indéniable de leurs performances isolantes et de leur déphasage, ne permettent pas d’éviter l’apport d’un isolant en complément afin de répondre aux exigences actuelles, remettant en cause l’aspect révolutionnaire que certains ont tendance à affirmer. Progrès oui, révolution non !

D’autres défauts du bloc isolant guère plus réjouissants

Les besoins en énergie nécessaire pour la production du liant, le ciment Portland, n’ont pas changé sous prétexte que l’agrégat est différent. Or, comme déjà développé dans la 1ère partie de cet article, l’industrie du ciment est particulièrement énergivore et émettrice de gaz à effet de serre.

Pouzzolane

L’agrégat principal, généralement la pouzzolane, ne présente pas de risque de pénurie mais il faut noter qu’il nécessite une extraction, un concassage et un transport préalable, tant les régions où on en trouve sont limitées. En France cette roche est présente uniquement en Auvergne.

L’isolant intégré est du polystyrène expansé, lequel apporte lui aussi son lot d’inconvénients. Au titre des griefs qu’on peut avoir à l’encontre du polystyrène nous mettrons en premier ses origines pétrochimiques, donc, encore et toujours, une consommation d’énergie fossile, laquelle va contribuer aux émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons abordé toutes ces problématiques ici dans un  article intitulé Mousse isolante HFO, greenwashing ou pas ?

Certains diront “bon, de toute façon, il faudra un isolant complémentaire, alors qu’on mette du polystyrène dans le bloc béton, ou rapporté contre le mur, qu’est-ce que ça change ?” Si on s’en tient au polystyrène comme seule solution d’isolation, oui, ça ne change rien. Mais c’est oublier que bien d’autres solutions d’isolation sont possibles, d’origine bio-sourcée notamment.

Le collage mince économise du mortier, donc du sable et du ciment. C’est une bonne chose, mais quels ingrédients trouve-t-on dans cette colle ? Ne risque-t-on pas d’avoir perdu au change ?

La perspirance, abordée plus haut, a-t-elle été améliorée ? Vu que le liant n’a pas changé, les parois, en elles-mêmes, sont tout aussi non perspirantes, malgré l’utilisation de la pouzzolane qui, elle, l’est. Cet inconvénient de non perspirance est accentué par la présence du polystyrène, lui-même particulièrement étanche aux flux de vapeur.

Enfin, le recyclage en sera-t-il possible. Déjà qu’avec des blocs béton conventionnels, la chose n’est pas aisée du fait des autres produits dont il a été recouvert, enduits entre autres, il sera encore plus difficile de recycler ces blocs isolants car ils intègrent du polystyrène, lui-même extrêmement difficile à recycler.

Alors, que penser de ces blocs isolants ?

Ils représentent un indéniable progrès au plan de leur résistance thermique propre et du déphasage.

Cependant, sur la plupart des autres plans, soit ils n’apportent pas de progrès, même léger, soit, pire, ils représentent un recul.

Il faudra, de toute façon, réaliser une isolation complémentaire, par l’intérieur ou par l’extérieur, ce que nous préconisons afin de bénéficier de l’inertie de ces blocs.

Le fait de nécessiter moins d’épaisseur d’isolant, de l’ordre de 3 à 5 cm selon l’isolant choisi, ne changera pas grand chose au plan habitabilité ou prix des fournitures et représentera une même charge de travail.

Donc, même économiquement, il n’est pas certain que le surcoût engendré par ces blocs isolants, plus chers que les parpaings conventionnels, soit compensé par un moindre coût de l’isolation. Nous pensons même, au contraire, que globalement l’emploi de ces blocs isolants engendrera un surcoût.

Notre conclusion

Ces blocs isolants nous semblent être un sursaut du monde du béton et de son principal fournisseur, les cimentiers, qui voient, petit à petit, des matériaux et techniques alternatifs se faire jour et leur grignoter leurs parts de marché.

Nous ne tomberons pas dans les excès des uns et des autres, certains disant que la construction en parpaing est une hérésie, d’autres que c’est LA solution.

Non, simplement et objectivement, les blocs bétons ont rendu de grands services, ils en rendront encore, mais ne pourrait-on envisager des techniques de construction des habitations qui respectent la planète en général et les futurs occupants en particulier, via la perspirance entre autres ?

Et comme ces blocs isolants ne le permettent pas, faut-il persister dans cette voie ?

* : les liens proposés, qui renvoient ou renvoyaient vers des valeurs relevées sur les sites de fabricants et/ou négoces peuvent ne plus fonctionner car ces sites sont tr§s souvent remaniés. Il n’en demeure pas moins que les valeurs annoncées sont bien justes.

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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