Les laines minérales sont-elles aussi dangereuses pour la santé que l’amiante ?

Une étude franco-chinoise, publiée en janvier 2024, nous révèle que les nanofibres composant certains matériaux isolants (comme la laine de verre) présenteraient des risques pour la santé. Explications, risques encourus, produits concernés et nos recommandations dans cet article.

 

On connaissait déjà les risques de l’amiante pour la santé. Elle est d’ailleurs interdite dans le bâtiment depuis 1997 en France, et son diagnostic est obligatoire avant vente depuis 2010 et avant travaux (Repérage avant travaux) depuis 2019.

Désormais il faudra aussi s’intéresser aux risques liés aux nanofibres…

L’étude réalisée sur des nanofibres de verre

Christian Amatore – Chercheur CNRS

Christian Amatore – Chercheur CNRS

Une équipe franco-chinoise, dont Christian Amatore, chercheur chimiste au CNRS, a travaillé sur le potentiel pathogène de l’inhalation de nanomatériaux fibreux inertes, tels qu’on peut les trouver dans l’amiante ou certains autres isolants (dont les laines de verre).

Elle a découvert l’incapacité des macrophages(1) naturellement présents sur le tissu des alvéoles pulmonaires à assimiler des corps étrangers de trop grosse taille.

(1) A savoir : le macrophage est une cellule du système immunitaire qui joue un rôle important dans la défense de l’organisme contre les infections et les maladies.
Les macrophages sont des cellules phagocytaires, ce qui signifie qu’ils peuvent ingérer et digérer des particules étrangères, telles que des bactéries, des virus, des cellules mortes ou des débris cellulaires. Les macrophages sont présents dans tous les tissus de l’organisme, mais ils sont particulièrement nombreux dans les poumons, le foie, la rate et les ganglions lymphatiques.

L’étude a permis d’observer que, lorsque confrontées à des nanofibres inertes dont la longueur excède 15 microns, ces cellules ne réussissent pas à se distendre suffisamment pour totalement les encapsuler à l’intérieur de leur vésicule « digestive ».

Si on pensait jusqu’à présent que seule la composition chimique de ces matériaux était en cause de maladies, ce serait en fait les « caractéristiques géométriques » des filaments d’amiante et de laine de verre « et leur dimension »

Que nous révèle donc cette étude sur les impacts sanitaires de ces nanofibres ?

Quels sont les risques pour la santé ?

Pour confirmer leur observation, les chercheurs ont réalisé une expérimentation sur des rats. Elle a permis de conclure qu’une inhalation régulière et sans protection de nanomatériaux fibreux inertes analogues, quels qu’ils soient, génère des lésions pulmonaires à répétition pouvant mener à terme au développement de fibroses (et non pas de fibromes comme certains médias l’ont publiés). Ce n’est donc pas la composition chimique du produit qui poserait un problème sanitaire.

“Cela engendre des fuites de sécrétions très nocives pour la paroi alvéolaire, que cette étude a permis de détecter, caractériser et quantifier pour la première fois.” d’après le communiqué.

Autrement dit, les rats ayant une biologie similaire à celle de l’homme, l’inhalation des nanofibres de verre ou de nanotubes de carbone risque de provoquer des fibroses pulmonaires chez les humains. Une maladie handicapante pour laquelle les traitements ne permettent que ralentir la progression et réduire l’inflammation.

Si dans des études antérieures, on avait déjà constaté que l’inhalation de nanofibres inertes entraîne un phénomène de phagocytose frustrée, le chimiste Christian Amatore affirme qu’on n’avait jusqu’alors pas démontré le lien entre celui-ci et le développement de fibrose pulmonaire.

Cette découverte questionne donc sur l’usage de feutres de nanofibres inertes dans le secteur du bâtiment, jugées jusqu’alors moins délétères que l’amiante qu’elles substituent, mais qui pourraient en réalité présenter les mêmes risques pour la santé de ceux qui les manipulent.

Quels sont les produits concernés ?

Ces feutres de nanofibres inertes se retrouvent dans une quantité de produits bien plus importante que ce que nous laisse supposer cette étude.

En effet, les propriétés de ces nanofibres sont très appréciées pour leurs qualités thermiques, acoustiques et incombustibles. Or ces nanofibres sont introduits sous forme de nanotubes de carbone dans différents matériaux :

  • les laines de verre
  • les mousses polyuréthanes
  • la céramique (utilisée dans certains câbles comme isolant)

Ces matériaux étaient déjà notamment bien connus pour leurs risques sanitaires, comme les poussières de silice (2) pour les laines de verre ou les gaz perfluorés (catégorisés dans les polluants éternels,les PFAS) pour les mousses polyuréthanes. Ces fibres n’arrangent donc pas leur cause !

(2) A Savoir : Les poussières de silice cristalline (du sable) sont connues pour leur effet néfaste pour la santé. On les retrouve dans l’extraction de granulats et minéraux industriels, la taille de la pierre, les industries des briques et des tuiles, bâtiment et travaux publics, réfection et démolition de fours industriels, mais aussi dans la fabrication des laines de verre.

Si ces matériaux sont très répandus dans le bâtiment, ont-ils un réel risque pour la santé ?

Quels sont les risques dans le domaine du bâtiment ?

Les laines minérales (dont une majorité de laine de verre) représentaient 50% du marché des plus 260 millions de m2 (en 2021) d’isolants posés en rénovation et construction. Une part à la fois gigantesque et inquiétante. Sachant, qu’on pose ce produit depuis les années 70 partout en France, vous imaginez la quantité que cela peut représenter.

Si vous êtes déjà monté dans un grenier, en comble perdu, isolé avec cette laine minérale, vous avez certainement constaté l’état de celle-ci, libérant de nombreuses poussières dès qu’on la manipule.

Alors, d’après Isover, filiale du groupe Saint-Gobain, les laines de verre sont aujourd’hui « plus douces et moins poussiéreuses ».

Par ailleurs, le syndicat national des fabricants d’isolants en laine minérale (Filmm) se défend  à Ouest France du risque pour leurs produits :

les fibres des laines minérales d’isolation sont formées de longs fils visibles à l’œil donc non nanométriques, nous a-t-il écrit. Leur diamètre est compris entre 3 et 5 µm […]. Elles ne sont donc pas considérées comme respirables. Mais si elles devaient franchir les barrières naturelles, elles seraient rapidement éliminées par les mêmes mécanismes de défense de l’organisme humain. « 

Il n’en demeure pas moins qu’avec le temps, le résultat du vieillissement de ce produit sera toujours le même, du fait de sa composition. Il est donc susceptible d’émettre des particules de nanofibres dégradées, supérieures à 15µm, surtout, après quelques canicules, car ce matériau n’aime pas vraiment la chaleur !

Et d’ailleurs, Christian Amatore, co-auteur de l’étude est formel :  “Notre expérimentation sur des rats n’a porté que sur l’inhalation régulière de nanomatériaux fibreux inertes, et pas sur de la laine de verre à proprement parler, mais il ne fait aucun doute que la laine de verre, ou de roche, se détériore quand on la manipule et que l’inhalation d’aérosols de leurs débris microscopiques pourrait donc être dangereuse pour la santé. C’est aux fabricants de démontrer le contraire. “ dans une réponse à Ouest France

Certains nous diront que ces isolants sont souvent encapsulés dans un mur ou derrière un film. Celles-ci seront donc moins problématiques, dès lors qu’on ne la manipule pas.

A savoir : le film sur les laines de verre

La laine de verre en rouleau est proposée avec un film protecteur marron. Celui-ci n’est ni un frein vapeur ni un pare-pluie, mais juste du papier kraft pour aider à la manipulation. Il empêche aussi les débris, tels que la poussière et les feuilles de pénétrer dans l’isolant., ainsi que et les animaux, tels que les souris et les rats, de creuser dans l’isolant !

Cependant, suite aux aides permettant de financer l’isolation à 1€, une grande part de la laine de verre a été soufflée en combles perdus (charpentes à fermettes), souvent ouverts à tous vents.

Les risques sont donc bien réels pour la santé, notamment suite à son vieillissement, à la fois pour la santé des occupants et des voisins. Et il est fort probable que ces fibres, tout comme c’est le cas du plomb à Paris, impactent aussi l’environnement (preuve en est avec l’étude réalisée sur les rats !).

Le risque est aussi important lors de la dépose de l’isolant. Si cette action est pourtant indispensable pour assurer la bonne performance du nouvel isolant, beaucoup de professionnels rechignent à l’enlever. Et pour cause ! Or nombre de particuliers ont manipulé ou vont manipuler ce produit du fait de sa faible durée de vie.

Concernant les mousses polyuréthanes, elles présentent un risque lors de leur pose (faite uniquement par des professionnels formés) et surtout à la dépose, lorsqu’il faut la décoller et la découper. Ces mousses sont aussi connues pour être très toxiques lors d’un incendie, puisqu’elles vont rejeter du monoxyde de carbone et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Faudra t-il alors, comme pour l’amiante, prendre des dispositions particulières à l’avenir ? Il est temps que les législateurs se penchent sur le sujet …

Le cas du bois.

Et le bois, nous direz vous ?

Le bois est utilisé dans différents isolants en panneaux ou en vrac.

Or, les poussières de bois, qui peuvent s’échapper de ces isolants, sont classées par le CIRC comme cancérogènes avérés pour l’homme pour le nasopharynx, les fosses nasales et les sinus de la face depuis 2012. Une classification bien connue des professionnels, qui ont donc mis en œuvre plusieurs dispositions pour réduire ces risques.

Les fibres utilisées dans les laines et fibres de bois sont relativement longues et nettoyées de leurs poussières par aspiration à leur fabrication. Beaucoup plus rigides et denses, ces isolants se détériorent peu avec le temps. Les risques sont donc beaucoup mieux maîtrisés que pour les laines minérales.

Aujourd’hui d’autres isolants utilisent des liants ou adjuvants (fongicides et insecticides), dont leur toxicité est reconnue, mais toujours dans les proportions réglementaires (-5%)

Si ces nanofibres présentent un risque certain pour la santé, ne cédons pas à la psychose, et respectons quelques règles pour s’en prémunir…

Comment se prémunir de ces produits toxiques ?

Pour limiter les risques liés à l’inhalation des nanofibres de ces laines de verre dans un habitat, nous vous recommandons de prendre ces quelques précautions :

1- Lors de la pose

  • Faites plutôt appel à un professionnel qui utilisera les bonnes techniques et les précautions nécessaires pour minimiser la libération de nanofibres dans l’air ;
  • Si vous faites le choix de poser l’isolant, portez un masque adapté, des lunettes de protection et des gants, lors de la manipulation de ces isolants ;
  • Bien aérer régulièrement la pièce où les isolants sont manipulés ;

2- Au quotidien

Si vous devez manipuler l’isolant, prenez toutes les précautions ci-dessus. Et surtout, renouvelez l’air régulièrement de votre logement. C’est d’ailleurs un règle de base pour extraire les polluants, l’excédent d’humidité et le radon pour les zones concernées.

La mise en place d’une ventilation mécanique reste la solution la plus efficace pour renouveler de manière constante et automatique l’air de votre intérieur.

Dans tous les cas, nous vous conseillons vivement de vous intéresser à d’autres types d’isolants, d’origine végétale ou recyclée. Ils présenteront en outre de bien meilleurs atouts pour atteindre un bon confort thermique en hiver comme en été.

N’hésitez pas à faire appel aux professionnels du réseau Nature & Développement pour des conseils adaptés à votre besoin d’isolation.

Etude parue le 3 janvier 2024 dans la revue Nature Nanotechnology.

Crédits Photos Logan Moreno Gutierrez,  Ousa CheaKalyan SakNational Cancer Institute, INRS

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