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  • Notre avis sur les matériaux à changement de phase

On en parle beaucoup, de plus en plus, certains les pensent pourvus de toutes les qualités, allant jusqu’à affirmer qu’ils pourraient se substituer aux isolants conventionnels avec une épaisseur de seulement quelques millimètres.

D’autres n’y croient pas du tout.

Que sont-ils : des isolants ou des systèmes de chauffage ?

Où se situe la vérité ? Y-a-t-il une vérité ?

Nous allons, au fil de cet article, analyser comment fonctionnent ces matériaux à changement de phase, ce qu’ils peuvent nous apporter et ce qu’on peut en attendre.

Comment fonctionnent ces matériaux à changement de phase ?

Comme leur nom l’indique, ils changent de phase.

Un changement de phase consiste en un changement d’état d’un matériau. Par exemple de l’eau qui passe de l’état liquide à l’état gazeux ou de l’état gazeux à l’état liquide, dans les deux cas, change de phase. 

Tout changement de phase entraîne un échange de calories entre le matériau qui subit la transformation et son environnement.

Un extrait de l’article proposé en lien ci-avant :

… tout corps, lorsqu’il change d’état, échange d’importantes quantités de chaleur avec son milieu”.

Le changement de phase est renouvelable à l’infini, une fois dans un sens, une fois dans l’autre.

L’échange de chaleur est équivalent, quel que soit le sens de la transformation : dans un sens émission de calories, dans l’autre sens, consommation, captation de calories dans le milieu ambiant. On parle de réaction endothermique lorsqu’elle consomme de l’énergie, qu’elle puise des calories dans son environnement.

On dit de la réaction opposée, la libération de calories dans l’environnement direct, qu’elle est exothermique.

L’énergie potentielle pour obtenir un changement de phase complet s’appelle “la chaleur latente”. On la dit positive lorsque le matériau est en situation de libérer de la chaleur et négative dans l’autre cas, celui de puisage de chaleur dans l’environnement.

Il s’agit, tel que décrit ci-avant, d’un système qui permet de gérer une quantité déterminée d’énergie.

Nous entendons par gérer, la capacité de faire quelque chose d’utile d’une énergie disponible.

Illustrons le changement de phase par quelques images

Pour bien appréhender leurs capacités, quelques exemples pris ailleurs permettent de comprendre leurs limites.

Eau de pluie et réservoir

Imaginons la pluie sur un toit et l’envie que le bénéficiaire du toit pourrait avoir de la capter.

Il va installer un récipient d’une capacité déterminée.

S’il pleut alors que le réservoir en question est déjà plein, l’eau n’a d’autre solution que de continuer son chemin d’écoulement par les voies classiques des collecteurs d’eau de pluie.

S’il veut arroser son jardin alors qu’il aura utilisé l’intégralité de l’eau contenue dans le réservoir,  le bénéficiaire n’aura d’autre choix que de s’en procurer ailleurs.

Ressort de système mécanique (montre, voiture-jouet à friction…)

Un ressort peut être remonté jusqu’à son point de ruptureAu-delà il ne sert à rien de vouloir continuer à le remonter, il n’est plus en capacité d’accumuler de l’énergie.

Lorsque ce même ressort aura libéré toute l’énergie qu’il était en capacité d’emmagasiner, il ne sert à rien d’en attendre plus, il n’a plus aucune efficacité.

Batterie électrique

Quiconque possède des panneaux solaires photovoltaïques et souhaite tendre vers l’autonomie électrique sait à quel point des batteries électriques sont nécessaires.

Il sait aussi que lorsque ses batteries sont chargées au maximum de leurs capacités, même si ses panneaux produisent encore de l’électricité, s’il ne la consomme pas instantanément, il n’a d’autre choix que de se délester sur le réseau ou envoyer sa production à la terre. 

Elle ne lui servira pas pour son autonomie, au mieux il peut la vendre. 

Dans l’autre sens, lorsqu’il aura consommé l’énergie stockée dans ses batteries, quand bien même il en aurait besoin de plus, s’il n’en produit pas de façon instantanée avec ses panneaux, il n’a plus qu’à chercher d’autres moyens pour faire face à ses besoins !

Que sont les matériaux à changement de phase qui nous intéressent ?

Constitués d’un support (peinture, enduit…), ils disposent de capsules remplies de matériaux à changement de phase. Diverses substances ont cette faculté, les plus intéressantes pour la thermie du bâtiment sont celles qui “travaillent” dans une plage de température se situant, globalement, entre 18 et 29°.

La température basse est celle correspondant au ressenti de confort  courant l’hiver, et la plus haute à la température maximale d’été au-delà de laquelle nous entrons en phase d’inconfort.

Comment fonctionnent-ils ?

L’hiver, au-delà de 18° + 2 à 3 °, le changement de phase commence et le matériau va se charger en chaleur latente positive. Il va ainsi emmagasiner de l’énergie, ce qui permettra de valoriser les calories au lieu de les voir partir vers l’extérieur en pure perte.

Dès lors que la surface concernée passera en-dessous de 18°le matériau change à nouveau de phase, libérant ainsi sous forme de calories l’énergie initialement stockée. 

L’été, ces matériaux vont changer de phase et stocker les calories, les empêchant ainsi de transiter de l’extérieur vers l’intérieur

Sont-ils des isolants ?

Sous l’angle technique

Un isolant est un matériau qui ralentit le transfert des calories d’une face à l’autre d’un produit, lesquelles migrent de 3 façons : par convection (vidéo), conduction (vidéo) ou rayonnement (vidéo).

Pour lutter contre la convection, il faut une combinaison du lambda et d’une épaisseur suffisante

Pour lutter contre la conduction, il faut utiliser des matériaux faiblement conducteurs de la chaleur et, surtout, allonger le plus possible le chemin que les calories doivent parcourir. Là aussi, il faut de l’épaisseur.

… Or on nous les vente pour leur faible épaisseur, ce qui va à l’encontre de la lutte contre ces 2 premières formes de fuite des calories.

Pour lutter contre les transferts par rayonnement, il faut les renvoyer, donc disposer d’une surface réflectrice, ce qui n’est pas le cas ici.

Au plan technique, ils ne sont donc, à aucun titre, qualifiables d’isolants.

Sous l’angle législatif

C’est encore plus simple.

Pour qu’un matériau soit qualifiable d’isolant, son lambda doit être inférieur à 0,065 ou/et il doit répondre à des normes très strictes de combinaison de capacité de renvoi des rayonnements, donc de lutte contre le rayonnement.

Ces matériaux ne répondent pas à ces critères et ne sont donc pas non plus qualifiables d’isolants au plan législatif.

Sont-ils des systèmes de chauffage ?

Un système de chauffage produit des calories et les diffuse en fonction des besoins.

A proprement parler, les matériaux à changement de phase ne produisent pas des calories, ils les stockent.

D’une certaine manière ils sont l’équivalent d’un réservoir d’eau qui servirait à stocker des calories en vue de les distribuer ultérieurement.

Vus sous un autre angle, ils diffusent de la chaleur.

Attendu qu’ils participent au stockage et à la diffusion de calories, ils pourraient être classés dans la grande famille des systèmes de chauffage.

Attendu qu’ils ne produisent pas de chaleur, ils ne peuvent y être classés.

Il s’agit bien d’une nouvelle famille de matériaux !

Que peuvent-ils apporter ?

L’hiver, dès lors que la température de surface du parement passe sous la barre des 18°, s’il en a stocké au préalable, le matériau à changement de phase libère des calories, ce qui permet de le réchauffer.

Les calories ainsi libérées vont favoriser l’émission de rayonnement, source de confort.

L’été, la captation des calories va limiter la montée en température des éléments de parement intérieur et maintenir ces derniers dans des températures parfaitement confortables.

Nous venons de le voir, ce sont des sortes de batteries, non pas en capacité de stocker de l’électricité mais de l’énergie thermique sous forme de chaleur latente stockée ou libérée suite à changement de phase du matériau.

Tout comme les batteries électriques, ils ont des capacités limitées

Ils permettent d’améliorer l’exploitation en lissant les crêtes de production et de consommation.

Comme les batteries électriques ne permettent pas de se passer des moyens de générer de l’électricité, les matériaux à changement de phase ne permettront pas de se passer de systèmes de production de calories.

Comme les batteries électriques ne permettent pas de se passer des moyens de régulation, de transport et distribution de l’électricité, ils ne permettront pas de se passer d’isolation.

Cependant, ils apportent un confort indéniable.

Conclusion

Pourquoi ne peuvent-ils pas se substituer aux isolants conventionnels ?

Les matériaux à changement de phase ne pourront pas se substituer à l’isolation conventionnelle tout simplement car ils n’isolent pas.

Ils ne sont pas conçus comme tel car ils n’emprisonnent pas d’air, car ils ne sont pas réflecteurs et, de plus, car ils sont généralement peu épais.
En fait, leurs spécificités et leurs capacités, les placent aux antipodes des fonctions d’isolation.

Par ailleurs, et même si ce n’est pas une justification technique, leur coût, au moins à ce jour, sont tels qu’il faut se poser la question de leur intérêt.

Quelles sont leurs qualités ?

Ils apportent ce que certains isolants n’apportent pas du tout et d’autres un peu. Compenser, au moins partiellement, certains de ces manques est très intéressant.

Parmi leurs apports, nous soulignons particulièrement la stabilisation de la température des parois extérieures, gage de confort.

Ils permettent aux parements intérieurs de ces parois extérieures, en les maintenant à une température plus élevée, même momentanément, de rayonner plus et donc, là aussi, d’améliorer le ressenti de confort.

Que peut-on en attendre ?

Du fait de la stabilisation de la température, du fait de l’amélioration de l’effusivité des parois : plus de confort.

L’amélioration du ressenti de confort permet de baisser la température ambiante et, ce faisant, de consommer moins.

Doit-on aller vers un emploi massif de ces matériaux ?

Pas certain …

En effet, les dépenses financières supplémentaires seront probablement difficilement amortissables.
Il en va de même pour les ressources consommées, tant pour leur production que pour leur mise en œuvre : seront-elles compensées par celles économisées à l’exploitation du fait de leur présence… ?

Et que penser du recyclage de tels matériaux intégrant, par nature, des composants de familles très différentes ?

Ce que nous croyons

Il est indéniable que les matériaux à changement de phase représentent une voie possible pour aller plus loin dans le sens du confort, mais ce qu’ils apportent ne nous semble pas déterminant.

Au moment où le dérèglement climatique se fait de plus en plus présent, au moment où la criticité de nombreuses ressources approche à grands pas, il ne sous semble pas sage d’aller toujours plus loin dans la technique, dans la poursuite de tels développements … au risque d’amplifier des phénomènes que nous devrions travailler au contraire à éviter ou, au moins, à ralentir

Ce qui a déjà été constaté

Un vieillissement prématuré et une dégradation des performances de ce type de matériau a été constaté sur une expérimentation en grandeur réelle visant à l’utilisation du principe d’un “mur Trombe” réalisée dans le Pas-de-Calais sur deux maisons d’un bailleur social. Il a fallu, assez rapidement, remplacer une partie de ce système de stockage grâce à des matériaux à changement de phase par un mur en terre crue.

Ce que nous conseillons

Tel que nous l’avons abordé de nombreuses fois dans ces colonnes, tel que nous l’avons aussi souvent étayé via des supports divers, faire le choix de matériaux naturellement pourvus de bonnes capacités d’effusivité, de diffusivité, de déphasage, d’isolation, issus de ressources renouvelables nous semble d’une bien plus grande sagesse et permettra  à ceux qui retiendront ces options de bénéficier d’un confort de très haut niveau sans consommer pour autant beaucoup d’énergie pour le chauffage ou la lutte contre la chaleur.

Images : Pixabay, Wikimédia, Creathes

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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