Paille : la solution écologique ultime ?

Bien que cela fasse beaucoup sourire les acteurs de la construction traditionnelle, la paille revient en force et ce n’est pas pour déplaire à la planète ! Ce matériau, disponible à faible coût dans la majorité de nos régions offre des potentialités écologiques sous-exploitées.

Comme à notre habitude, regardons d’un peu plus près ce que la paille apporte dans l’éco-construction, quels sont ses avantages et inconvénients…

Qu’est-ce que la paille en construction ?

Un résidu végétal

Champ de blé

Avant d’être mise en botte, la paille est un végétal, la tige de certaines graminées, dites céréales à paille, coupées et dépouillées de leur grain pendant la moisson. La paille peut être issue du blé, du froment, du seigle, du sorgho, de l’orge ou du triticale.

On peut aussi faire de la paille avec la tige du chanvre, de la lavande ou du riz, mais il faudra trouver les productions et surtout les machines qui calibreront les bottes à la bonne taille.

En France, on utilise la paille comme litière pour animaux d’élevage, fourrage pour les ruminants (mais de faible valeur nutritive), en protection de sol pour l’horticulture notamment, en amendement organique (apport nutritif pour le sol) ou plus rarement en tant que combustible. La paille offre de bons rendements énergétiques (6 à 7 fois l’énergie mécanique requise pour sa production) en complément de procédés de fermentation (biogaz) ou de production d’éthanol (en expérimentation). La filière est donc déjà bien organisée.

Notons que la paille n’a pas un bilan carbone neutre puisqu’il faut conditionner les bottes, les stocker et les transporter jusqu’à destination du chantier. On ne prend pas en compte sa production et son besoin en eau (pluviométrie naturelle) car la céréale est à l’origine prévue pour une autre utilisation(farine par exemple).

Quelle est la meilleure paille ?

paille de riz

Dans l’absolu et selon nos principes, la meilleure paille est celle que l’on trouve près de chez soi, ou, en tout cas, celle la plus près possible du chantier.

Même si au niveau du résultat, toutes les pailles se valent, la paille de seigle est préférée pour sa souplesse et la paille de riz (plus rare) pour sa résistance à l’humidité.

Donc si la paille de blé est la plus répandue sur le territoire, ce n’est pas vraiment sa disponibilité qui pose problème, mais plutôt l’adaptation de son format à la construction.

Quelle dimensions pour les bottes de paille ?

Ballot de paille

La tendance pour les agriculteurs est de faire du ballot de paille de grandes dimensions, pour diminuer leur manipulation, des mastodontes ronds ou carrés de 200 à 400 kg inadaptés à la construction.

Pourtant, contrairement  à ce qu’on peut connaître de l’architecture traditionnelle, c’est la structure qui doit s’adapter à la taille de la botte de paille. Or, la plupart des botteleuses produisent des bottes de plus ou moins 45 x 35 cm (largeur, hauteur) pour une longueur variable de 50 à 120 cm. Et c’est à ce niveau de dimension, qu’on devra alors adapter l’armature de sa construction.

A noter : le poids moyen d’une botte de paille de 35 x 45 x 100 cm est de 20 à 22kgs. Un élément à connaître au moment de sa manipulation ; ce qui déterminera le besoin en main d’oeuvre.

Pour le prix comptez entre 1,5 et 5€ la botte selon les dimensions et les conditions de transport.

La petite histoire de la paille

Vous ne le savez peut-être pas, mais l’utilisation de la paille comme éco-matériaux est assez récente (contrairement au bois, à la terre ou à la brique).

C’est en effet dans les années 1880, avec le développement des premières botteleuses, que des américains du Nebraska construisirent les premiers bâtiments en paille porteuse. Les bottes étaient disposés en quinconce sans mortier avec un toit disposé directement sur une solive en bois, en haut du mur. Cette technique dite “Nebraska” est utilisée encore aujourd’hui dans plusieurs pays, dont la France.

La plus ancienne maison paille connue en France qui se trouve à Montargis (en Loiret) a été construite en 1920 par l’ingénieur Émile Feuillette. Le système constructif a fait l’objet d’un dépôt de brevet aux États-Unis en 1923. La maison Feuillette est, depuis 2013, propriété du Centre National de la Construction Paille (CNCP) qui organise des formations dans les bâtiments annexes.

Recensement maisons paille

En France, le mouvement de la maison paille a réellement pris son essor dans les années 1980 avec la réalisation de bâtiments, hangars (majoritairement) puis de maisons individuelles, et quelques établissements publics ou, plus récemment, d’immeubles en habitat groupé comme celui de Bègles (33) en 2015 ou cet autre inauguré en 2017 dans la Drôme.

Depuis 2006, le Réseau Français de la Construction Paille (RFCP) regroupe les différents acteurs de la construction paille, et tente, du mieux qu’il peut, de promouvoir et faire reconnaître une filière encore très marginale dans l’éco-construction.

On compterait en France environ 5 000 bâtiments contenant de la paille sur tout le territoire, et 500 nouvelles constructions chaque année. Autant dire une paille !

Voir l’enquête sur la construction paille de l’association Empreinte et le recensement de RFCP

Plus d’infos sur le RFCP dans ce reportage Build Green

Quelles techniques de construction avec la paille

Règles professionnelles de la construction en paille – CP 2012 révisées. Éd. Le Moniteur

Il est important de savoir que la construction intégrant de la paille n’est normalisée que depuis très peu de temps (2012). En dehors de la maison Feuillette, on ne dispose donc d’un recul technique que très récent, contrairement aux techniques de construction traditionnelles (avec le parpaing, la brique ou l’ossature bois, par exemple).

Ainsi, le Réseau Français de la Construction en Paille (RFCP) a mis en place des Règles professionnelles de construction en paille – applicables depuis le 1° janvier 2012 et approuvées par l’AQC (Agence Qualité Construction) – qui constituent un cadre technique et normatif reconnu pour réaliser tous types de bâtiments (tertiaires, ERP – Établissement Recevant du Public, logements individuels et collectifs, locaux industriels…).

Leur adoption permet aux professionnels (concepteurs, constructeurs) d’utiliser la paille comme remplissage isolant et support d’enduits en tant que « technique courante » de construction.

La Commission Prévention Produit (C2P), qui étudie les désordres liés aux procédés et produits de la construction, a finalement accepté en janvier 2017 (pdf) ces règles professionnelles de construction. Une victoire pour le RFCP après 4 ans d’un suivi d’expérience.

On retrouve ces règles dans le livre édité par Le Moniteur (37€ hors frais de livraison)

Abus de langage : on parle souvent de “maison paille”, or la paille est utilisée essentiellement comme isolant et rarement comme structure porteuse. On devrait plutôt dire “maison isolée avec de la paille” !

La technique de « paille porteuse »

Cette technique, la plus ancienne, n’est donc toujours pas normalisée en France, contrairement à des pays comme l’Angleterre, le Canada, le Danemark, la Biélorussie ou encore l’État de Californie. Un groupe au sein de RFCP (PAIPITE) y travaillerait activement.

La technique “Nebraska” consiste à utiliser les bottes de paille comme gros blocs de construction assurant à la fois le matériau porteur et l’élément isolant. Les bottes sont prises en sandwich entre les fondations et la toiture par des tiges filetées. Elles sont directement enduites de chaux à l’extérieur et de terre à l’intérieur. Ce procédé très simple et très peu coûteux limite également la surface des ouvertures afin de garantir la stabilité de l’édifice.

maison paille porteuse – loire-atlantique- France

Si l’absence d’ossature porteuse permet un gain de temps, sa mise en oeuvre  est contrainte par différents facteurs :

  • la météorologie : il faut des conditions optimales de météo pour l’élévation des parois et prévoir de les bâcher en cas de pluie. Un temps de séchage de 28 jours est conseillé avant d’enduire les murs.
  • la hauteur de murs : en petites bottes de paille, impossible de réaliser des murs au delà d’un plain-pied. Les grosses bottes peuvent être envisagées mais il faudra prévoir des engins de levage adéquats.
  • les ouvertures : pour éviter de fragiliser les murs, les parois vitrées ne sont pas recommandées, ce qui est en  contradiction donc avec la RT 2012.
  • la toiture : pour répartir son poids, une charpente à fermettes sera à privilégier.
  • la structure générale : elle est sujette à de forts risques de tassement liés à la force de gravité et au poids propre des éléments ainsi qu’aux charges éventuelles de neige. Pour le contrer, il est possible de réaliser des “joints épais” maçonnés entre les rangs et entre les bottes. Ils assurent les reprises de charge mais nuisent à la performance isolante globale.

Cette technique demande donc une grande expérience. En auto-construction, il est fortement déconseillé de se lancer dans cette technique sans un accompagnement continu du chantier.

La technique ossature bois

C’est la technique la plus classique issue de la construction bois contemporaine (DTU 31.2). Les bottes de paille sont mises en œuvre dans une ossature bois, comme un isolant traditionnel à plat ou sur chant et comprimées pour limiter les phénomènes de tassement. Elle sont ensuite soit enduites, soit protégées par un bardage ou des plaques.

ossature bois – Easygreen

Il est possible de préparer en atelier les murs (et parfois planchers et toitures) des bâtiments. Ils sont alors stockés et transportés semi-finis.

La technique du Greb

Issue des recherches canadiennes (grand nord québécois), la technique du GREB est une technique dont la base est une  structure bois poteau-poutre, dans laquelle on intègre l’isolant en botte de paille et un enduit coulé de chaque côté grâce à un coffrage. Elle forme un système constructif complet et fait interagir pour une même destination plusieurs matériaux.

maison isolée paille technique greb – pailletachoise.unblog.fr

L’originalité de cette technique réside dans sa mise en œuvre parfaitement adaptée pour les auto-constructeurs en utilisant des bois de faible section ainsi que des coffrages de petites dimensions.

Cette dernière technique est celle préconisée dans les règles professionnels RFCP.

Les autres techniques

En dehors de ces règles professionnelles établies au niveau du RFCP, on pourrait dire qu’il existe autant de techniques de construction qu’il y a de professionnels dans ce secteur d’activité, chacun y ajoutant sa patte, ses règles de l’art.

Ainsi, de nombreuses variantes de construction ont été testées de manière plus ou moins  approfondie comme :

  • la technique des ballots maçonnés, développée par Louis Gagné et François Tanguay ;
  • la technique autrichienne, qui est un montage à sec, composé de plusieurs épaisseurs de matériaux, dont la paille, le bois et des films… ;
  • la technique Terra Flora développée par Jocelyn Simard ;
  • la technique Iron Hill, de Pierre et Michel Tabib ;
  • la technique CST de Tom Rijven.

A noter que la profession n’est pas représentée par “des hommes de paille” mais par des “pailleux”. Ils sont quelques dizaines aficionados en France à se passionner pour le matériau en accompagnant les particuliers sur des chantiers participatifs, réalisant des formations ou innovant sur des techniques et solutions intégrant la paille.

maison isolée en paille

Les qualités de la paille

Nous n’aborderons ici que les qualités du matériau en tant qu’isolant. Se reporter à la partie “technique paille porteuse” pour retrouver les défauts et qualités de la paille en tant que matériau de structure.

Cycle de vie quasi-parfait

Si on examine le cycle de vie de la paille après le moissonnage de la céréale, on se rend compte que ce matériau a certainement, avec la terre, le bilan carbone le plus faible de sa catégorie, dû essentiellement à la manipulation et au transport.

En outre, concernant sa fin de vie, 2 solutions se présentent :

  • une valorisation agricole (amendement ou litière animale)
  • une valorisation énergétique (incinération)

Médiathèque : analyse du cycle de vie de la paille

Très bon étiquetage COV

Classé A+, la paille est un isolant qui présente une toxicité au niveau des COV excellente. D’origine végétale, ce matériau, s’il est posé bien sec, présente des concentrations au 10 COV ciblés par l’étiquetage largement inférieur aux valeurs limites.

étiquetage COV paille

Toutefois, cette notion de COV est-elle suffisante pour en faire un produit sain ? (voir défauts).

Médiathèque : analyse des COV d’une botte de paille

Performances thermiques

Avec un lambda (conductivité thermique) fixé officiellement à λ= 0,065 W/m.°C, il faut 37cm de paille pour obtenir un R  > 7 m².°C/W, alors que moins de 27 cm d’un isolant en laine de bois pourraient suffire.

Pour la RT 2012 la conductivité thermique est la suivante :

Pour une masse volumique comprise entre 80 et 120 kg / m3 (la masse volumique varie peu d’une céréale à l’autre), Lambda = 0,052 W/(m.K) perpendiculairement au sens de la fibre.

Performances acoustiques

A la fois mou et dense, le matériau « botte de paille » a tous les atouts pour offrir une excellente isolation acoustique. D’après une étude réalisée en Allemagne (pdf), les mesures de l’isolation acoustique dans le banc d’essai pour parois sans transmission par des voies latérales, banc d’essai selon DIN EN ISO 140-1, donna comme résultat pour un mur en bottes de paille de 356 mm d’épaisseur, enduit de terre sur les deux faces, l’indice pondéré d’affaiblissement acoustique en laboratoire : Rw,P = 45 dB

Difficile de faire une comparaison avec d’autres isolants car les protocoles d’essais sont souvent différents. Voyez toutefois ce tableau comparatif du site bruit.fr (pdf)

Prix compétitif du matériau

D’après Luc Floissac, chercheur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Toulouse, “« une paroi isolée en paille reviendrait au même prix qu’une solution en laine minérale », pour les mêmes performances, à la différence près que l’épaisseur de l’isolant ne sera pas la même : 30cm pour la laine minérale et 45 cm pour la paille. Toutefois, la botte de paille permet l’économie d’un mur porteur de 20 cm.

Le volume à transporter pour une même surface d’isolation n’est pas comparable non plus, mais au final, c’est avec la paille que l’on obtient le meilleur prix de revient au m².

Réaction au feu

Contrairement aux idées reçues la paille ne présente pas de danger particulier face au feu si on la compare aux autres matériaux de construction. La raison  est simple : pour produire un feu, il faut 3 éléments : un combustible (la paille dans notre cas), un comburant (l’oxygène de l’air) et une source de chaleur. La paille en vrac brûle très facilement, mais pas les bottes de paille bien compressées qui privent le feu d’oxygène.

réaction au feu façade isolée paille – CSTB

Ainsi les tests de réaction au feu réalisés par la FBCA en 2010 sur une botte de paille pendant 15 et 20 secondes, selon le protocole décrit dans la Norme NF EN ISO 11925-2, montrent une inflammation de la paille, mais avec une flamme inférieure à 150 mm. Donc conformément à la norme, cela lui confère un classement E au comportement au feu pour un  «empilement des bottes de pailles sans laisser de bords apparents. ». Le classement du produit “très inflammable et propagateur de flamme”, en première lecture peut ne pas être très rassurant. Cependant, au final, une maison intégrant de la paille brûle effectivement, mais très lentement et sans émanation toxique ni transmission de chaleur d’une face vers l’autre, donc sans propagation rapide du feu !

Le test réalisé par le FBCA (expiré depuis mars 2017) donne un Euroclasse feu de la paille (enduite de 8 mm de terre) : B-s1,d0

Cela mérite quelques explications (plus d’infos) :

  • B : Produit combustible dont la contribution au « flashover » est très limitée
  • s1 : Faible production de fumées
  • d0 : Absence de gouttelettes et de débris enflammés

Un résultat encourageant même si dans l’échelle du classement, ce n’est pas parfait.

Un autre essai incendie réalisé au CSTB durant l’été 2009 a permis de lever « un verrou psychologique » en démontrant qu’une façade en R+2 de type rideau dont l’ossature et les remplissages sont constitués essentiellement des matériaux bois et paille satisfaisait le règlement de sécurité contre l’incendie, relatif aux établissements recevant du public.

Une dernière expérimentation, non officielle, réalisée par l’équipe de “On n’est pas que des cobayes” devrait vous convaincre de l’efficacité de la paille.

Il est important de préciser que la résistance au feu de la paille ne vaut que pour une isolation en caisson et en parois. Une isolation en épandage dans des combles perdus n’aurait pas la même efficacité.

Exemple d’un  incendie en Maine et Loire depuis des combles isolés en paille.

Enfin, si des pompiers ont choisi la paille pour isoler leur caserne flambant neuve Colombey-lès-Belles (54), vous pouvez avoir toute confiance en ce matériau !

Médiathèque : voir risque incendie

Déchets de chantier

Bien que la manipulation de la paille ne soit pas des plus propres sur un chantier, tous les déchets (les tiges) sont intégralement et immédiatement recyclables. Les ballots livrés bruts n’ont pas d’emballage et le surplus éventuel peut être utilisé soit en paillage au jardin (biodégradable), soit en énergie (pour un feu de paille !).

Perspirance et hygro-régulation

Avec une valeur Mu de 1 à 2, la base étant 1 pour l’air, la paille est excellente dans ce domaine. Elle se suffit donc à elle-même pour ce qui est de la migration de la vapeur d’eau produite à l’intérieur du bâti.

Afin d’assurer une bonne qualité de l’air intérieur, et même si elle permet une bonne gestion de la vapeur d’eau, il faut aussi bien penser aux autres “polluants” dans l’air et ne pas négliger le renouvellement d’air.

Etanchéité à l’air

La législation impose une très bonne maîtrise des fuites d’air. Ce rôle est souvent rempli par des membranes de gestion de la vapeur d’eau, en complément de leur rôle de régulateur des flux de vapeur.

En cas d’enduits posés directement sur la paille, s’ils sont parfaitement réalisés, ils permettront de s’approcher des valeurs requises mais ces performances seront-elles durables dans le temps (entre autres suite à d’éventuelles fissurations dues au travail des éléments)?

Si le choix est fait d’aller vers des parements rapportés, avec diverses plaques entre autres, cette problématique impose quasi de facto de prévoir une étanchéité complémentaire.

Résistante aux rongeurs et termites

termites

Toujours d’après  Luc Floissac, « il est plus dur de creuser dans la paille que dans beaucoup d’autres isolants » et « aux Etats-Unis des tests ont montré que les termites préfèrent les cadres des menuiseries et les portes à la paille ». Un essai sur l’appétence vis-à-vis des termites (pdf), réalisé au printemps 2010 par l’institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA) de Bordeaux, concluait « les termites sont capables de se nourrir de paille, mais cet aliment est insuffisant du point de vue nutritif pour permettre à un groupe de termites de survivre ».

Quelques précautions sont donc à prendre pour limiter les risques, notamment dans la réalisation des crépis et tous autres moyens empêchant les rongeurs de venir y nicher.

Les défauts de la paille

Si tous les professionnels de la paille vous vanteront avec verve les qualités de leur isolant, ils omettront (certainement involontairement) de vous parler de ses défauts, dont certains demandent que l’on s’y attarde sérieusement avant de faire son choix.

Quid des produits phyto-sanitaire

traitement champ de blé

Si l’analyse des COV semble en sa faveur, la paille (de blé notamment), est la plupart du temps exploitée de façon industrielle par des agriculteurs, rarement bio, utilisant des graines pré-traitées et une quantité de pesticides, fongicides, insecticides et autre produits phyto-sanitaires dont on connaît aujourd’hui les dangers pour la santé de l’homme.

Peut-être, vaut-il mieux se renseigner sur le type de culture et l’origine de la graine ?

Recyclage problématique

Si toute fraîche, la paille est immédiatement utilisable, on ne peut toutefois réutiliser la paille en tant qu’isolant en fin de vie. On peut certes lui donner une deuxième vie en amendement agricole ou en énergie de chauffage, mais le bilan des émissions de CO2 est à revoir. De plus, si le crépi est directement appliqué dessus, il faudra séparer les éléments, ce qui ne sera pas forcément simple.

Disponibilité aléatoire

bottes de paille

D’après RFCP, si on prend la totalité des logements construits annuellement en France, il ne faudrait que 10% de la production de paille (de blé tendre) pour fournir les surfaces à isoler. Une paille !  Mais si vous voulez privilégier la proximité de la marchandise, une paille de qualité (seigle ou riz)  et surtout un produit bio, cela risque de diminuer vos chances . Si vous vous trouvez dans la Beauce, vous aurez plus de chances que si votre projet est programmé dans le massif du Vercors, où les producteurs de céréales sont beaucoup moins nombreux et réservent leur fourrage pour l’hiver. Il faudra donc ne pas trop se montrer exigeant et se référer à ces quelques sources pour trouver de la paille :

Sinon, il ne vous reste plus qu’à faire le tour des agriculteurs des environs de votre terrain de construction ou vous renseigner auprès de la chambre d’agriculture locale.

Par ailleurs, il faudra également prendre en compte quelques paramètres pour finaliser votre choix :

  • les possibilités de calibrage des (petites) bottes
  • la saison de la production (céréales plus ou moins précoces)
  • plus aléatoires : les conditions météorologiques pour obtenir des bottes très sèches.

Nécessité de beaucoup de mains d’oeuvre

chantier maison paille

Le principal frein à la mise en oeuvre de la paille en isolation est le besoin de bras pour sa manipulation. Comptez au moins 5 personnes, en plus de vous, pour un chantier moyen de 100m². Il faudra les nourrir, éventuellement les loger et surtout vous assurer contre les accidents.

Une solution permet de faciliter la construction : les chantiers participatifs.

C’est une excellente occasion pour apprendre en faisant, encadré (de préférence) par un professionnel expérimenté, le tout dans une ambiance conviviale.

Quelques sites qui référencent les chantiers participatifs :

Pensez toutefois, qu’il faudra prévoir un budget pour l’accompagnement (architecte, assistant maître d’oeuvre ou idéalement un artisan sur chantier).

Temps de construction

Si vous voulez réduire la facture de votre construction et réaliser le maximum par vous-même, ce type de chantier demande un temps non négligeable. En fonction de l’aide que vous pouvez obtenir, tablez entre 2 000 et 2 500 heures pour un chantier complet (clé en main).

En programmant tous vos week-ends et vos vacances, entre la planification (recherche terrain, plans, …) et l’aménagement dans la maison, vous pouvez facilement compter entre 18 et 24 mois. Ce projet ne peut donc être envisagé que par des personnes qui ont une grande disponibilité.

Sachez enfin, qu’un tiers des divorces en France intervient après un projet de construction !

Coût de construction

isolation toiture paille

Le faible coût de la construction est souvent mis en avant. C’est vrai pour la partie isolant, mais en ce qui concerne les accès, l’assainissement, les raccordements, les fondations, les planchers intermédiaires, la charpente, les menuiseries, les cloisons intérieures (sauf à admettre des cloisons épaisses de 40cm), la couverture, la zinguerie, l’électricité, l’éclairage, le renouvellement d’air, la plomberie,  les sanitaires, le chauffage, les enduits, la déco, bref, pour tout ce qui n’est pas l’isolation, il n’y a pas de différence avec les autres techniques constructives.

La confusion vient souvent du fait qu’on associe construction paille et auto-construction. Alors il faudrait comparer avec les autres techniques de construction, elles aussi appliquées en auto-construction. Il y a fort à parier que les différences seraient négligeables !

Frilosité des assurances

Malgré tous les efforts réalisés par les acteurs de la filière, nombre d’assureurs restent encore très dubitatifs sur ce type de construction. À juste titre ? Nous ne le croyons pas !

Prenez donc bien le temps de vous renseigner avant de vous lancer dans votre projet :

Qualité de formation des artisans

S’il existe de nombreuses formations pour maîtriser les techniques de construction utilisant la paille, il faut rester vigilant quant aux compétences des artisans sélectionnés, notamment au sujet des dernières réglementations thermiques en matière de construction et de celles à venir. En effet, les performances en matière d’étanchéité et d’isolation sont essentielles pour l’obtention du fameux sésame : le permis de construire et, surtout, le certificat de conformité.

Cette filière n’étant pas encore suffisamment consolidée, vérifiez que le professionnel que vous choisissez est bien assuré, notamment en garantie décennale.

Build Green propose pour vous aider dans votre choix un réseau qualitatif de professionnels notés par les clients. Voir notre annuaire.

Conclusion

Si la paille peut présenter, particulièrement en auto-construction, des avantages en terme de coût, de performances et d’impact sur l’environnement, on ne peut perdre de vue les difficultés liées à ce matériau. Elles peuvent toutefois être corrigées dans la conception et la planification du projet.

La construction d’une maison incluant la paille demandera autant, si ce n’est plus de temps, qu’une construction traditionnelle, mais avec le plaisir d’avoir réalisé une véritable éco-construction.

S’il n’existe aucune solution parfaite en matière d’éco-construction, il est important de bien  connaître les avantages et inconvénients de chaque matériau avant de se lancer dans un tel projet.

Maison bois et paille contemporaine par Henk Van Aelst – Belgique

Quelques sources :

 

Associations :

 

Formations paille : carte géolocalisée

 

Médiathèque Build Green

 

Livres :

 

La playlist des vidéos Build Green

De nombreuses photos de maisons pailles sur notre Tableau Pinterest

Photo de une : Une construction d’une maison isolée en paille à Moab, Utah, Usa.
U.S. Department of Agriculture

Article rédigé avec la contribution de Claude Lefrançois

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Pascal Faucompré
Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it

10 réflexions sur “Paille : la solution écologique ultime ?

    • Hallo Zusammen,
      Und Danke für diese wunderbare Dokumentation, es ist eine tolle Nachhaltigkeit Umwelt freundliche Bauart die einen Fasziniert.
      Bin sehr begeistert von dieser Art des Bauens.

      Sehr gut.

      LG. Gerd

      Traduction :
      Et merci pour cette magnifique documentation, c’est une grande durabilité, un design respectueux de l’environnement qui vous passionne. Je suis très enthousiasmé par ce type de construction.

  1. Bonjour,

    La résistance thermique pour une botte de paille sur champ (donc fibre perpendiculaire au flux d’air ( donc conductivité thermique 0.052W/m.K)) est d’environ R=7,1 m2.K/W pour 37 cm contrairement à ce que vous avez pu noter dans votre article !
    Ce que vous avez noté est vrai et à la fois faux car une botte de paille posée à plat de 45cm (paille parallèle aux flux d’air, parallèle au sol (donc conductivité thermique 0.080W/m.K)) obtient un R = 5.8 m2.K/W !

    Afin donc de rétablir la « cohérence »,
    une habitation isolée avec 37cm de paille est dores et déjà au niveau passif et donc évolutive en maison positive!
    Et surtout matériaux non industrialisé et complètement biodégradable !
    Ludovic RUBIN

    • Effectivement une petite coquille sur l’épaisseur. Merci de la précision.
      Par contre, il ne suffit pas de mettre de la paille en isolation (en R=7) pour obtenir une maison passive !
      Il y a bien d’autres éléments à prendre en compte comme l’orientation solaire, l’étanchéité du bâti, la qualité des menuiseries, …

    • Il y a au moins 7 points dans la thermique, le R en est un! il faut arrêter de ne se baser que la-dessus. Un R de 5,8 en polystyrène ou laine minérale valent pinuts. Quid du déphasage, de l’inertie, de l’hygrothermie, du changement d’état, de l’effusivité de la diffusivité, etc…. Dire que 37cm de paille est passif, quand on voit que le label passif permet de faire rentrer la canicule, ce n’est pas une une bonne référence!
      Enfin la paille ça peut être bien, aussi, attention aux fuites, aux petites bébêtes qu’on trouve dans les campagnes.

      • @Popitot : vous avez raison sur les autres points sur la thermie, nous avons fait de nombreux dossiers à ce sujet.
        Par contre, sur le déphasage, l’inertie et l’hygrothermie (couplées généralement à un enduit terre), l’effusivité et la diffusivité la paille présente d’excellentes performances.
        Et sur le confort d’été, il suffit de faire quelques visites de maison en paille, pour découvrir l’efficacité de cet isolant face aux canicules.
        Sur les fuites (d’eau, je suppose) nous en parlons dans l’article, c’est son gros point faible, à la fois lors de son stockage, de sa mise en oeuvre et dans son cycle de vie. Mais c’est connu ! D’ailleurs, c’est le cas pour la majorité des isolants !
        Pour les petites bébêtes, la paille n’est pas leur aliment préféré, trop dur ! En outre, la compacité de la paille ne permet pas de rentrer dedans. Toutefois, l’ajout de grilles anti-rongeur en pied de mur est vivement conseillé.

  2. il faut être conscient que ces matériaux renouvelables d’origine agricole utilisés de plus en plus dans la construction écologique émettent aussi des poussières organiques chargées de micro-organismes (acariens, moisissures et microbes et leurs toxines fongiques et bactériennes) responsables de pathologies professionnelles pulmonaires. Ils sont aussi généralement traités avec des produits insecticides, fongicides et ignifuges présentant des risques cutanés et respiratoires lors de la manipulation et la pose :  » La prévention des risques professionnels des nouveaux matériaux de construction et d’isolation  » : http://www.officiel-prevention.com/formation/securite-btp/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=94&dossid=524

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