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  • Ventilation et isolation d’une maison en terre crue

Qui n’a pas entendu quelqu’un(e) expliquer qu’il(elle) habite une maison en terre crue, pisé ou bauge, voir torchis, et qu’il(elle) n’a pas installé de système de ventilation car cette maison à un âge canonique et n’a jamais eu besoin d’un tel système dans le passé, alors pourquoi maintenant ?

Malheureusement nous avons quasi aussi souvent des réflexions autour de taches d’humidité, d’auréoles, de moisissures, nous entendons aussi très souvent parler d’allergies des voies aériennes et autres désagréments au plan santé et/ou bien-être.

Nous allons, au fil de cet article, nous pencher sur ces problématiques, essayer de voir en quoi nous avons fait évoluer nos maisons au plan technique, en quoi nous les exploitons différemment et donc, pourquoi, alors qu’autrefois, ces maisons en terre crue ne présentaient pas ces pathologies, elles “souffrent” aujourd’hui et pourquoi, alors qu’ils n’étaient pas atteints d’allergies, leurs habitants le sont parfois aujourd’hui.

Est-il nécessaire de ventiler une maison en terre crue ?

Formulé autrement : une maison à murs en terre peut-elle se passer d’un système actif de renouvellement d’air ?

Si la question se pose c’est parce qu’il est admis et reconnu que les maisons anciennes en pisé n’étaient pas dotées de telles installations et fonctionnaient correctement.

Qu’en est-il à ce jour ?

Des différences notables sont apparues, à 2 niveaux : technologie de la maison, et modes de vie.

Technologie

Les maisons anciennes, toutes menuiseries fermées n’étaient pas étanches comme elles le sont de nos jours (qu’elles soient en pisé ou autre, neuves ou anciennes et rénovées).

Les menuiseries y étaient incroyablement moins étanches au vent que de nos jours et, surtout, elles étaient toutes équipées de moyens de chauffage non étanches.
Le mode de chauffage était généralement constitué, au mieux, d’un poêle, à bois ou à charbon, qui prenait son comburant dans l’air ambiant, nécessitant pour cela que la maison ne soit pas étanche, voir qu’une menuiserie reste entrouverte. Au pire, ces habitats étaient chauffés via des cheminées à foyer ouvert, constituant une magnifique évacuation haute de l’air et nécessitant tout autant un apport d’air extérieur pour la combustion.

En grossissant un peu le trait et pour se donner une image, nous sommes passés du panier à salade en grillage à l’essoreuse à salade.

Les maisons anciennes, non étanches, étaient naturellement sujettes à de multiples courants d’air et convections qui assuraient le renouvellement d’air, ce n’est plus le cas désormais, bien au contraire, particulièrement dans le neuf avec les obligations de conformité à la Réglementation Thermique 2012 (RT 2012).

Modes de vie

L’hiver, autrefois, les maisons étaient chauffées aux environs de 12 à 14°, on y vivait très habillé et on y dormait tout autant protégé : édredon en plume, couvre-pied épais en laine cardée, nombreuses couvertures; chemise de nuit, bonnet de nuit, briques chaudes. On y vivait, enfermé, seulement la moitié du temps actuelon y cuisinait dans une marmite ou dans le pot devant le feu, évacuation immédiate de la vapeur produite via le conduit de fumée.

On se lavait moins, beaucoup moins et pas de douche ou bain, non, quelques litres d’eau tiède dans une bassine, une fois par semaine. On ne lavait pas le linge dans la maison, on l’y faisait encore moins sécher. Donc, très peu d’émission de vapeur d’eau, température faible, peu de capacité pour l’air d’en stocker, choc thermique avec les températures hivernales extérieures beaucoup plus faible, conditions peu propices à l’apparition d’un point de rosée, beaucoup moins de risque de condensation sur ou dans les parois.

Tout se passait bien sans précaution particulière (pas ou peu confortable, mais efficace !).

Et maintenant ?

Les niveaux d’étanchéité générale au vent et les conditions actuelles d’exploitation ont totalement changé la donne.

Ce qui était possible ne l’est plus … sauf à revenir aux conditions de vie d’antan, mais ceci est un tout autre programme !

Au-delà des obligations réglementaires et comme nous l’avons dans divers articles déjà publiés ici, il est nécessaire, aujourd’hui, d’opter pour un renouvellement d’air digne de ce nom. En tout cas l’ouverture des fenêtres n’y suffira pas, surtout si la maison est isolée, ce que nous abordons ci-après.

Donc, OUI, il faut renouveler l’air via des équipements adéquats.

C’est une absolue nécessité, même s’il se trouve, par ci par là, quelqu’un(e) pour expliquer que chez lui(elle), rien n’a été prévu et que ça fonctionne bien.

La nature n’est pas pressée pour faire son œuvre et, forte de tout le temps qui lui est nécessaire et des lois physiques auxquelles personne ne peut échapper, elle aura gain de cause : en cas de défaut de renouvellement d’air, un jour, des pathologies apparaîtront, c’est inéluctable !

Pathologies

Les causes éventuelles posées, quelles sont les pathologies possibles ?

Pour la maison en terre crue

Le très fort taux d’humidité dans l’air ambiant avec une teneur absolue en eau beaucoup plus élevée va engendrer des risques importants de matérialisation de point de rosée dans les murs.

Ceci est dû au fait que l’intérieur est chaud et “enfermé” dans une enveloppe rigide, donc légèrement en surpression par rapport à l’air extérieur froid (l’hiver). De fait, la nature ayant horreur du déséquilibre, cet air va migrer au travers des parois, lentement certes, mais sûrement. Ce faisant il se refroidit et la température du point de rosée va être atteinte, provoquant les fameuses traces et auréoles, suivies des odeurs et des moisissures.

Si, par malheur, le mur a été recouvert, à l’extérieur, d’un revêtement insuffisamment perspirant, on peut aller jusqu’à l’écroulement du mur 
Certains, face à ces risques, préconisent d’étanchéifier ces murs afin d’éviter de les saturer, ce n’est pas pertinent car ces murs sont soumis aux remontées capillaires et ce serait en empêcher l’évaporation, accentuant ainsi les risques d’écroulement présentés ci-dessus.

Ce serait aussi favoriser la matérialisation du point de rosée directement sur ce produit étanchéifiant et accentuer les risques de pathologie des occupants tel que développé ci-après.

Pour les occupants

Sachant qu’un point de rosée peut se matérialiser assez loin de la surface intérieure d’un mur mais que l’eau, par capillarité, peut y revenir, si, comme développé ci-avant, ceci se produit, attendu que l’air intérieur est chaud, les conditions requises pour le développement de moisissures sont bien atteintes.

Pour peu que ces conditions perdurent, des moisissures vont effectivement se développer, engendrant en tout 1er un désordre visuel, désagréable mais pas forcément dangereux. Idem pour les odeurs.

Par contre les moisissures émettent des spores et ce sont elles qui présentent de vrais risques pour les occupants.

Le risque principal est de développer des maladies des voies aériennes, de devenir asthmatique ou d’en aggraver le degré, d’avoir des maux de tête importants et récurrents, les yeux irrités …

Est-il nécessaire d’isoler une maison en terre crue ?

Là aussi, dit autrement : thermiquement, la terre se suffit-elle à elle-même?

Deux approches possibles : d’un point de vue législatif, d’un point de vue thermique.

La législation

Il n’est pas possible, thermiquement, qu’une maison en pisé, non isolée, atteigne les niveaux requis et imposés par la RT 2012.

Pour se faire une idée de ce qui serait nécessaire, et même si, avec cette nouvelle réglementation, on n’apprécie plus les éléments séparément les uns des autres, la cible pour les murs est, en moyenne et généralement, R = 4. Avec un lambda moyen proche de 1 (source le livre “L’Isolation Thermique Ecologique” de JP Oliva et S Courget aux ed. Terre Vivante), le mur ferait environ 4 mètres d’épaisseur …  

Donc, attendu qu’une construction neuve doit répondre à ces normes, la question est déjà tranchée : oui, il faut isoler.

Pour ce qui concerne les maisons anciennes en rénovation, le R requis est, a minima, dans le cadre d’une rénovation globale, 2,2 en zone H3 (ceinture méditerranéenne), les constructions en terre crue sont plutôt en zone H1 ou H2, et là, le minimum requis en cas de rénovation est de R = 2,9, soit un mur qui ferait 2,90 mètres d’épais !

Thermiquement

Même si, du fait de la réglementation thermique actuelle, il n’est pas possible de construire en pisé sans isoler les murs, serait-il acceptable, en se mettant hors la loi (interdit !) de ne pas isoler les murs en pisé d’une maison neuve et atteindre les niveaux de performance attendus de nos contemporains ?

Non, eu égard à nos nouveaux modes de vie et, sauf à consommer beaucoup d’énergie pour le chauffage, ce qui n’est pas pertinent compte tenu d’une part, de l’évolution probable des coûts de l’énergie et des effets sur le dérèglement climatique d’autre part, il n’est pas possible ni sage de ne pas isoler une maison en pisé.

Où et comment isoler ?

Par l’intérieur, par l’extérieur ?

Thermiquement et au plan du confort, c’est préférable de le faire par l’extérieur. Par contre, visuellement, la maison aura un aspect qui peut frustrer car, selon le choix de la vêture extérieure finale, peut-être non conforme au visuel classique du matériau terre.

Quelle que soit la situation de l’isolant, il faudra qu’il soit particulièrement perspirant car ces maisons sont, généralement, en tout cas les anciennes, sur des fondations de type cyclopéennes et donc sans rupture de remontée capillaire, apport d’eau qu’il faudra évacuer.

Si l’isolation est réalisée depuis l’intérieur, il faudra impérativement lui adjoindre un pare-vapeur à Sd hygrovariable. Cette faculté lui permettra de s’adapter aux besoins selon les circonstances : monter vers son Sd le plus élevé pour gérer le transit de vapeur d’eau de l’air intérieur vers l’air extérieur, et s’ouvrir quand nécessaire pour favoriser l’évaporation des remontées capillaires et ne pas les bloquer dans l’isolant, ce qui le rendrait humide et donc inopérant.
Dans tous les cas et afin de favoriser le transit de vapeur d’eau, nous vous conseillons des isolants végétaux (vidéo), plus performants sur ce plan, et une continuité la plus importante possible des éléments par contact continu pour favoriser le transit de l’eau de l’intérieur vers l’extérieur.

Il sera possible aussi, en opérant depuis l’intérieur, de réaliser un enduit correcteur d’effusivité, ce qui permettra une élévation de la température de surface et le retour en « zone de confort« . Des enduits chaux/chanvre, terre/paille rempliront parfaitement ce rôle, ainsi que d’autres dans le même esprit.

Conclusion

A moins de vivre dans ce type de maison comme au début du 20ème siècle, c’est à dire à 14° max l’hiver, en consommant malgré tout beaucoup d’énergie pour atteindre ce niveau de température, en acceptant de ne se laver, à la bassine, qu’une fois par semaine, les autres jours, mouillé-lavé (uniquement le visage), la lessive dehors, le linge à sécher, également dehors, la cuisine dans une marmite sur le feu, le lavage du sol une fois par semaine …

A moins de ne pas amener le bâti aux standards actuels …

Il n’est pas possible de vivre dans une maison ancienne à murs en terre sans ventiler et sans isoler, ou, au moins pour le dernier point, corriger l’effusivité des parois avec un enduit type terre/paille, chaux/chanvre ou équivalent.

Claude Lefrançois


Après 30 ans dans le bâtiment, ancien charpentier, ancien constructeur, ancien maître d’œuvre, formateur dans le bâtiment, expert en analyse des bâtis anciens avant travaux, auteur de nombreux articles et d’un livre “Maison écologique : construire ou rénover” aux Ed. Terre vivante, auteur de 2 ebooks disponibles sur mon blog, je suis désormais retraité.
Je mets mon temps disponible et ma liberté d’expression à votre service : j’observe et j’analyse, au besoin je dénonce ou émet des idées.
Bonne lecture.

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  1. Cher Monsieur,

    Vous exposez, dans vos différents articles et vidéos, la problématique de l’humidité dans l’habitat, en soulignant la nécessité d’aérer en permanence. Effectivement, faire rentrer de l’air plus froid de l’extérieur, même saturé à basse température, va faire diminuer l’humidité intérieure. Cependant, cette solution ne fonctionne qu’à la condition que l’air extérieur soit significativement plus froid que l’air intérieur, ce qui n’est vrai qu’une fraction de l’année, et que le premier soit plus sec que ce dernier le restant du temps.

    Quelle solution envisageriez-vous pour contrôler l’humidité intérieure entre le printemps et l’automne, lorsque les températures extérieures avoisinent, voire dépassent celles de l’intérieur, et que l’air extérieur reste en permanence proche de la saturation, dans le cas où la maison se situe en zone humide (proximité d’un cours d’eau par exemple)?

    Bien cordialement.

    1. Merci pour votre commentaire.
      La teneur en vapeur d’eau se mesure des façon précise et, à ma connaissance, elle est, même au bord d’un cours d’eau, généralement très loin du seuil d estimation.
      Il faut se méfier des « ressentis », la physique s’appuie sur des réalités.
      Les cas constatés et mesurés les plus élevés, couramment, de teneur en vapeur d’eau dans l’air et d’Humidité Relative élevée (HR) se rencontrent plus en bord de mer.
      Il est difficile, effectivement, de contrer des situations de saturation mais, pour connaître de très nombreuses personnes vivant en bord de mer, moi-même normand donc d’une région connue pour ses précipitations et, enfin, pour avoir analysé de nombreux biens en bord d mer, je n’ai pas constaté de gêne plus importante qu’ailleurs… le volume énorme d’eau à proximité agit comme un. « régulateur » de la température de l’air et si l’HR est souvent vers 65%, l’ensemble température/HR fait que l’habitat y est tout aussi agréable à vivre qu’ailleurs.
      A noter que c’est bien d’un ensemble de critères que dépendent les ressentis de confort ou d’inconfort et que, si l’HR est importante, elle se combine avec d’autres critères.
      Je vous conseille la lecture d’autres articles sur ce blog, notamment : https://www.soigner-l-habitat.com/ce-qui-determine-les-ressentis-de-confort-et-dinconfort/

      Si vous faites une recherche avec le mot clé « confort », vous pourrez découvrir de nombreux articles dédiés et, pour info, j’ai consacré un livre entier à ce sujet, publié aux éditions « Terre vivante » : « Les clés du confort thermique écologique ».

      1. Cher Monsieur,

        merci de votre réponse.

        J'ai lu nombre de vos articles et de vidéos, j'ai téléchargé vos deux opuscules, mais je n'ai pas encore acheté votre livre, mais cela ne saurait tarder 🙂

        Je suis d'accord avec votre remarque sur le ressenti; ici je parle de mesure d'HR (biais personnel: je suis scientifique, donc je mesure, je capte, j'analyse, je déduis…).

        Dans le cas que j'évoque, je ne me place pas sur le plan du ressenti, mais sur celui de la gestion de l'humidité. Pour toute une série de raisons, il y a un réservoir considérable d'humidité autour de la maison. C'est bon pour le jardin (je n'arrose jamais, même en cas de sécheresse, ça reste vert très longtemps), beaucoup moins pour le logement.

        Actuellement, il fait 3°C au dehors, à l'intérieur, l'HR est de 50%. Donc rien à redire. En revanche, cet automne, les températures étaient clémentes (aux alentours de 15°C), l'HR intérieur, à peu près du même ordre que l'HR extérieur puisque l'écart de température est faible, a toujours dépassé les 80% et elle a même atteint 96% un jour de précipitations ! C'est encore pire en été lorsque l'air extérieur est plus chaud que l'air intérieur. Dans ce cas, on voit même apparaître des moisissures sur des vêtements et objets à la cave.

        Quelle solution envisageriez-vous alors?

        1. La solution la plus simple est d'opter pour un puits climatique (dit aussi provençal ou canadien).
          Il faut y faire transiter l'air extérieur avant de le faire pénétrer dans l'habitat.
          L'air y circule dans un milieu aux environs de 13°0C et il s'y refroidira, ce qui provoquera la condensation d'une partie d eta vapeur d'eau qu'il contient.
          Il sera ainsi plus proche d'un air en capacité de "ré-équilibrer" l'humidité relative de l'air ambiant.

          1. Hélas non, non seulement ces types de PAC ne sont vraiment pas de très bons systèmes de chauffage, probablement les PAC au plus mauvais rendement dans l’absolu mais, de plus, ils n’ont aucune action sur la teneur en vapeur d’eau dans l’air.

  2. Correction à mon post précédent:

    […] Dans le cas d'un air extérieur humide proche de la saturation, cette solution ne fonctionne qu’à la condition que celui-ci soit significativement plus froid que l’air intérieur, ce qui n’est vrai qu’une fraction de l’année […]

  3. Bonjour. Il y a un architecte dans le Tarn et Garonne qui démontre en ayant conçu trois maisons en Pise, sans isolation, avec des capteurs dans les murs, qu'une telle maison peut être construit en Pise sans isolation et aux normes. Cordialement Raymond

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