Analyse de cycle de vie, bilan carbone, définition et outils d’évaluation

Chaque être humain, entreprise, collectivité, … a un impact au quotidien sur l’environnement. Chacun émet notamment des gaz à effet de serre (l’équivalent CO2), qui contribuent au réchauffement climatique de la Planète. Connaître le bilan de ses émissions de carbone peut donc permettre à chacun de mieux évaluer son impact environnemental pour, éventuellement, l’améliorer.

Le dérèglement climatique actuel est une conséquence de nos émissions importantes de différents gaz à effet de serre. Nous pouvons mesurer ces émissions avec un indice simple : les kilogrammes d’équivalent CO2 (kgCO2e).

Chaque gaz à effet de serre est ramené à un équivalent en CO2 selon son pouvoir de réchauffement. Par exemple, 1 kg de méthane équivaut à 30 kg de CO2 car il est 30 fois plus réchauffant. Si la fabrication d’un produit a émis 1 kg de méthane et 1 kg de CO2, alors l’impact total de ce produit est de 31 kg d’équivalent CO2.

 

Nom du gaz PRG à 100ans
(5ème rapport du GIEC)
Carbone (CO2f) 1
Méthane d’origine biogénique (CH4f ) 30
Protoxyde d’azote (N2O) 265
Hexafluorure de soufre (SF6) 26 100

 

Les potentiel de réchauffement global (PRG) des différents gaz évoluent au fil des rapports pour des raisons techniques liées à la modélisation du changement climatique et pour des raisons physiques liées à la corrélation entre le PRG et la concentration des GES déjà émis dans l’atmosphère.

Plus d’infos sur le PRG sur le site du GIEC .

 

Calculer un bilan carbone individuel

Il est possible de calculer son bilan carbone personnel. Il sera donc exprimé en dioxyde de carbone équivalent ou CO2e. Le bilan moyen en France est de l’ordre 9 tonnes de Co2e par habitat par an (source Carbone 4). L’objectif est d’atteindre seulement 2t Co2e par habitat par an en 2050 !

Ce bilan permet ainsi d’évaluer simplement l’impact de vos pratiques et gestes quotidiens, pour éventuellement les corriger ou changer certains comportements.

Les 4 domaines les plus polluants de la vie quotidienne, sur lesquels on peut immédiatement agir, sont le transport, la consommation et la gestion des déchets, le logement et l’alimentation.

2 T CO2e c’est autant d’émissions que pour fabriquer, consommer ou parcourir - Source Impact CO2

2 T CO2e c’est autant d’émissions que pour fabriquer, consommer ou parcourir – Source Impact CO2

Quelques outils pour réaliser un bilan carbone individuel :

Attention ! Ces bilans carbone ne reflètent qu’une image partielle de votre impact environnemental global. Ils ne prennent pas en compte les émissions des autres polluants ou votre impact (in)direct sur la biodiversité.

 

Le bilan carbone des organisations

Le bilan carbone est lié à la fabrication d’un produit ou à l’activité d’une entité humaine (individu, groupe, collectivité). Il se formalise par un outil de comptabilisation de ses émissions de gaz à effet de serre. Il tient compte de l’énergie primaire (disponible dans la nature avant toute transformation) et de l’énergie finale (au stade final de la chaîne de transformation de l’énergie) de ces produits et services. Lors de la réalisation d’un bilan carbone, les émissions de GES sont catégorisées en trois périmètres appelés scope 1, 2, 3.

  • Le scope 1 comprend les émissions directes liées aux consommations d’énergie, conséquence des activités contrôlées par l’entreprise. Exemple : chauffage au fioul.
  • Le scope 2 (qui est lié au scope 1) inclut les émissions indirectes liées aux consommations d’énergie. Exemple : consommation d’électricité.
  • Le scope 3 : regroupe toutes les autres émissions de gaz à effet de serre induites par l’activité de l’entreprise. Exemple : achats de matières premières, transport des produits vendus, etc.

La publication d’un bilan carbone est obligatoire pour certaines organisations : services de l’État, collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, établissements publics et autres personnes morales de droit public de plus 250 agents.

Il existe plusieurs méthodes de calcul d’un bilan, dont ces principaux :

En France, l’ADEME a publié en 2004 une méthodologie de quantification des émissions de gaz à effet de serre pour les organisations appelée Bilan Carbone®. Cette méthode est aujourd’hui coordonnée et diffusée par l’Association Bilan Carbone. Elle prend en compte la globalité des émissions GES, directes ou indirectes, pour tous les flux physiques d’une organisation sans lesquels le fonctionnement de celle-ci ne serait pas possible.

 

A noter : les entreprises peuvent aussi réaliser un Bilan Carbone simplifié (ou Bilan GES). Ce Bilan GES prend en compte les émissions directes et indirectes liées à la consommation d’électricité, chaleur ou vapeur nécessaires aux activités professionnelles. Par rapport à un Bilan Carbone complet, il ne prend pas en compte les autres émissions indirectes, comme par exemple celles liées à la livraison de composants par un fournisseur, ou l’utilisation d’un produit par les clients finaux de l’entreprise.

 

Depuis juin 2011, dans le cadre de la Loi Grenelle II du 12 Juillet 2010, la méthode réglementaire s’impose aux éligibles (entreprises de plus de 500 salariés – 250 pour les départements d’outre-mer, collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants et les établissements publics de plus de 250 agents). Ce bilan doit être renouvelé tous les 3 ans.

Pour réaliser un bilan GES, il est nécessaire de rassembler les données d’activités de l’organisme étudié. Cela peut être des informations déjà disponibles dans l’organisation (données primaires), mais aussi des données externes à recueillir auprès des fournisseurs, clients, usagers, etc… voir des données statistiques ou des études (données génériques ou secondaires).

L’organisation va devoir s’interroger sur 2 types de périmètre avant de réaliser son bilan :

  • Prendre en compte ou non, toutes les entités qui se rapportent à sa structure (filiales, établissements répartis sur d’autres site, activités dont la structure est responsable, etc.). Il s’agit du périmètre organisationnel.
  • Prendre en compte toutes les émissions ou non, générées par l’activité, qu’elles soient directement ou indirectement émises par celle-ci. Il s’agit du périmètre opérationnel.

Les données de la Base Carbone® sont consultables gratuitement par tous. De plus, l’originalité de cet outil est qu’il permet à des tiers de proposer leurs propres données. Ces données sont alors évaluées sur leur qualité et leur transparence, puis validées ou refusées pour leur incorporation dans la Base Carbone®. Enfin, un forum permet aux utilisateurs de poser leurs questions sur les données ou de les contester.

Les valeurs affichées dans la Base Carbone® de l’Ademe sont calculées avec les PRG à 100ans du 5ème rapport du GIEC (le dernier).

Le bilan carbone vise notamment à renseigner les systèmes d’échange de type bourse du carbone, à poser les bases de solutions efficaces de réduction de la consommation énergétique, et peut optimiser la fiscalité écologique (taxe carbone…) et certains mécanismes de compensation carbone.

Au final, le bilan carbone consiste en une étude mono-critère sur son impact climatique : celui des émissions de gaz à effet de serre (du CO2e), certes rapide à calculer et simple à interpréter. Mais est-ce suffisant ?

 

La problématique du carbone biogénique

Le carbone biogénique est le carbone fixé par la plante suite à la photosynthèse à partir du CO2 de l’air.

Si ce stockage du carbone biogénique est actuellement pris en compte (par exemple dans les Fiches Déclaratives Environnementales et Sanitaires de Produits du Bâtiment), le bénéfice du stockage temporaire (par exemple sur la durée de vie du bâtiment) est actuellement nul. En effet, si la même quantité de carbone stockée par le matériau est réémise en fin de vie, elle n’est pas bien prise en compte dans le bilan carbone final. Or beaucoup de matériaux émettent de grandes quantités de CO2 s’ils doivent être brûlés ou stockés en fin de vie.

 

A noter : une analyse statistique des données de l’observatoire E+C- (période expérimentale avant la mise en place de la Réglementation Environnementale du Bâtiment en 2022 – RE2020) permet d’avoir une première image du bilan carbone des bâtiments neufs ici

 Quelques outils permettent d’évaluer le bilan GES simplifié des entreprises :

 

L’Analyse de Cycle de vie

L’Analyse de Cycle de Vie (ACV) est une approche plus complète pour évaluer et mesurer les impacts environnementaux d’un produit, d’un équipement ou d’un projet de construction/rénovation. Elle correspond à la quantification des ressources consommées et des substances émises dans l’environnement, sur tout le cycle de vie d’un produit (de sa fabrication à sa fin de vie), suivie de l’évaluation de ses impacts potentiels sur l’environnement.

L’Analyse du Cycle de Vie entre plus en profondeur ; elle demande une étude plus longue et un travail plus conséquent sur l’interprétation des résultats. Elle s’appuie sur la norme ISO 14044Il peut aussi bien être étudié les émissions de GES que la diminution des ressources, la toxicité pour l’homme ou encore l’acidification des océans et des sols.

Une ACV se fonde sur plusieurs critères d’analyse des flux entrants et sortants. On appelle « flux » tout ce qui entre dans la fabrication du produit et tout ce qui sort en matière de pollution. Parmi les flux entrants, on trouve, par exemple, ceux des matières et de l’énergie : ressources en fer, eau, pétrole, gaz. Quant aux flux sortants, ils peuvent correspondre aux déchets, émissions gazeuses, liquide rejeté, etc.

Cette méthode est particulièrement adaptée à l’évaluation d’un bien, d’un service, voire d’un procédé, et de produit plus complexe comme les smartphones, l’automobile ou tout simplement la construction d’un bâtiment.

Par rapport au bilan Carbone, l’ACV offre une vision plus holistique de l’impact environnemental d’un produit, en évaluant de nombreux impacts potentiels environnementaux

 

La Déclaration Environnementale

Pour mettre en valeur leurs préoccupations écologiques, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à apposer des déclarations environnementales sur les produits qu’elles fabriquent. La plupart de ces messages sont des autodéclarations environnementales véhiculées par le producteur du produit pour gagner des parts de marché, valoriser leur image auprès des consommateurs, réduire leurs coûts (écoconception de produit), innover, se démarquer de la concurrence.

D’autres déclarations reposent sur des labels, de plus en plus nombreux, pour lesquels il est très difficile pour les consommateurs de s’y retrouver. L’Ademe a donc identifié 100 labels environnementaux, qu’elle recommande sur une page internet dédiée, répartis en 12 catégories de produits du quotidien.
La réalisation de déclaration environnementale n’est pas obligatoire pour pouvoir commercialiser son produit en France. L’obligation de déclaration est effective à partir du moment où le fabricant choisit de communiquer volontairement sur un aspect environnemental de son produit.

La Fiche DES des produits du Bâtiment (FDES)

Dans le bâtiment, la déclaration environnementale permet d’évaluer les performances environnementales d’un produit de construction ou d’un équipement destiné à un usage dans les ouvrages de bâtiment, via une Fiche déclarative environnementale et sanitaire (FDES).

En pratique, lorsqu’un produit du bâtiment est commercialisé et que des caractères environnementaux sont mis en avant, la réglementation oblige le responsable de la mise sur le marché à établir la déclaration environnementale de son produit et à la déposer sur le site choisi par le programme de vérification de sa déclaration, en l’occurence, l’Inies, pour le secteur du bâtiment.

Ces informations sont issues d’un bilan environnemental sur l’ensemble du cycle de vie du produit et permettent d’évaluer une liste d’indicateurs à chaque étape de son cycle de vie : de l’étape de production, au processus de construction incluant le transport, à étape d’utilisation du bâtiment, avec son entretien, ses réparations et sa maintenance, jusqu’au départ des occupants ; à cela s’ajoute l’étape de fin de vie : de la déconstruction de l’ouvrage au traitement de fin de vie du produit.

Une mise à jour de la déclaration environnementale est nécessaire a minima tous les 5 ans, et actualisée dès lors qu’un changement intervient et entraîne une variation significative dans l’évaluation environnementale de ce produit.

 

aKacia : est un configurateur permettant de faciliter la réalisation d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) et de Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES) des produits biosourcés.

En dehors des fiches déclaratives, il existe d’autres données sur lesquelles se reposer pour établir une ACV dans le bâtiment :

  • Les Profils Environnementaux Produits (PEP), spécifique aux équipements électriques, électroniques et de génie climatique ;
  • Les Données environnementales par défaut (DED), pour les produits de construction ou de décoration et les équipements n’ayant pas de FDES
  • Les Données conventionnelles de service (DCS), sur les impacts des énergies, des services (transport, eau potable, eaux usées, déchets, fluides frigorigènes).

Ces différentes données sont consultables sur la base Inies.

 

Avec ces différentes explications et outils, vous n’aurez désormais plus d’excuse pour améliorer votre impact environnemental. Si certains de ces outils sont très poussés, pour bien détailler le bilan personnel ou de vos produits ou services, il peut être judicieux de se focaliser en premier lieu sur les postes les plus impactant, comme l’énergie, le transport ou l’alimentation. Ensuite, chaque petit pas que chacun pourra faire aura aussi son importance. N’oublions pas non plus que notre impact, dans les pays dits occidentaux, est bien plus élevé, non seulement sur le bilan carbone, mais aussi sur d’autres polluants (issus de l’agriculture, du transport, de l’industrie). Et là, ce sont vos décisions d’achat qui peuvent faire la différence. De l’occasion ou du recyclé, plutôt que du neuf, du bio plutôt que du conventionnel, un vélo plutôt qu’un véhicule électrique, … 

Crédits images Bela Geletneky, Mohamed HassanGennaro Leonardi, Buffik  de Pixabay

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Pascal Faucompré
Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it

3 réflexions sur “Analyse de cycle de vie, bilan carbone, définition et outils d’évaluation

  1. Il est effectivement important de connaitre les différents leviers pour diminuer l’impact carbone et l’article les synthétise bien.
    Comme tout dans la vie, la loi de Pareto est bien présente dans ces différents thèmes car on se rend compte que 20% des matériaux ou des thèmes carbone qu’ils soient individuels ou d’organisation représentent 80% de l’impact carbone global.
    J’ajouterai un point de vigilance sur le bilan carbone qui concerne la compensation. Premièrement, comme pour l’énergie, le bon sens veut qu’on commence par diminuer les GES ou les consommations avant de les compenser. Ensuite, on a vite fait de penser qu’il suffit de planter des arbres à l’autre bout de la planète pour neutraliser les effets de réchauffement climatique. Le problème est que la plupart de ces programmes ne tiennent pas compte de la biodiversité ni du sol existant pour adapter les plantations au site. Cette négligence peut avoir un effet pervers en polluant la zone de plantation.
    Pour le sujet des FDES, les matériaux locaux, comme la terre issue du site par exemple ou la paille, ne sont pas valorisés dans ce calcul même si la méthode de calcul a progressé en tenant compte notamment de l’impact dynamique des produits. Mais voyons le bon côté des choses, ce n’est pas parfait mais ça va dans le bon sens.

    • Merci @Guillaume pour ce complément d’information. Difficile d’être exhaustif sur le sujet, tant les modes de calcul sont compliqués.
      Et effectivement, les systèmes de compensation sont des miroirs au alouettes, dont les effets ne se produisent que dans plusieurs dizaines d’années (si ces forêts ont poussé dans de bonne conditions sanitaires et climatiques).
      Pour les FDES, mon petit doigt me dit que cela avance assez vite. Je tire mon chapeau à toutes ces associations (paille, terre, chanvre, …) qui se mobilisent pour valoriser leurs matériaux, alors que cela coûte très cher, et que la procédure est longue, pour obtenir le saint Graal !

      • Bien sûr Pascal, l’article est suffisamment complet et merci d’avoir rendu abordable ce sujet où la perception d’un kilo équivalent CO2 est plus que flou.
        Effectivement, ces déclarations coutent cher et il est bien plus facile pour les majors de l’intégrer à leur budget. Heureusement, certaines plateforme permettent aujourd’hui de valoriser les produits biosourcés.

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