Construire ou rénover un habitat futur : concilier changement climatique et confort

J’ai eu l’immense honneur d’ouvrir la série de Podcasts créée par Cécile Ledoyen : Habitats Futurs. Et pour l’occasion, le sujet à traiter fut : construire ou rénover un projet immobilier. Voici une retranscription écrite et sommaire de la version audio.


Plan de l’article


Le Podcast à écouter

 

 

👉 Retrouvez le podcast Habitats Futurs de Cécile Ledoyen

 

 

Le contexte environnemental et réglementaire en 4 points :

1/ Le contexte climatique

C’est confirmé, en France nous dépasserons les 1,7° avant 2050. Cela veut dire :

  • que nous allons vivre + de phénomènes climatiques (tempêtes, inondations, orages, grêles, canicules, incendies)
    • ce qui va nécessiter une + grande durabilité des biens, limiter le choix de leur emplacement
  • que nous allons manquer d’eau : de + en + tôt et tard dans l’année. défi en approvisionnement
    • conséquences aussi sur le bâti dans les zones argileuses (fissures, affaissements, …)
  • que nous aurons des migrations importantes vers l’Europe, car des zones vont devenir mortelles

Cela va engendrer des surcoûts et des besoins en matériaux importants.

2/ le manque de ressources

Nous sommes dans un monde fini où les ressources ne sont pas inépuisables

  • cela génère des conflits internationaux qui impacte la disponibilité et les cours des matériaux
  • nous atteignons des pics de criticité entre nos besoins et nos ressources sur de nombreux matériaux (bois, sable, pétrole, métaux rares, …)
    Cela va être le cas par exemple pour le lithium ou le cuivre qui vont manquer
  • de nombreux matériaux demandes beaucoup d’énergie pour les fabriquer (laines minérales, briques de terre cuite, ciment) ou même les transporter ou les recycler (impact sur le prix et la surface des biens)
  • besoins en énergie (électricité notamment) hausse des coûts (chauffage et l’eau chaude)

=>  cela nous oblige

  • à rechercher plus d’autonomie (eau, énergie, alimentation)
  • à améliorer le confort thermique (hiver comme été)

3/ L’impact sanitaire

  • De nombreuses matériaux polluent l’environnement, de leur fabrication à leur recyclage (à base pétro-chimique, …)
  • Certains revêtements et isolants contiennent des polluants

> adjuvants, colles, COV, …
> C’est le cas de l’amiante (toiture fibro-ciment, revêtements et isolants), de la silice dans le sable (béton et laines minérales), de phtalates dans les plastiques, …

  • Le réchauffement climatique génère des maladies liés aux moustiques (1ère cause de mortalité animale avec la dengue, le chikungunya, le paludisme, le Zika, …), des nouveaux virus qui viennent du permafrost ou de la déforestation (animaux)

Qu’on retrouve dans l’air intérieur, dans les eaux usées (et même l’eau courante).

4/ Contexte réglementaire

Avec plusieurs lois et réglementations qui viennent changer la donne :

A/ La loi Climat et résilience préconise le 0 artificialisation. Zéro artificialisation nette d’ici à 2050

Compenser des zones constructibles par des zones naturelles et humides.

=> Cela veut dire moins de constructions.

=> La plupart des plans locaux d’urbanisme prévoient une nette diminution des terrains constructibles hors agglomération, notamment dans les hameaux (plus de dents creuses).

C’est une bonne chose pour la préservation de la biodiversité.

=> Mais cela nous demande de revoir complètement l’urbanisation des villes.

B/ L’obligation de rénover pour louer et bientôt pour vendre (Loi Climat et Résilience)

En 2023, tous les logements classés G au DPE ne pourront plus être loués. Ensuite, ce sera au tour des logements classés F en 2025, E en 2028 et D en 2034. On parle de l’appliquer aux locations touristiques (comme les AirbnB)

L’Europe prévoit également d’imposer une obligation de performance énergétique à la vente ou au changement de destination d’un bien.

Cela va avoir un impact énorme sur le marché de l’immobilier. On commençait seulement à ressentir depuis 2020 l’impact de la classification énergétique sur les prix de l’immobilier, les enquêtes d’opinion confirment que cela va maintenant être un critère important lors d’un achat. Cela veut donc dire que beaucoup de passoires thermiques vont se retrouver sur le marché à des prix beaucoup plus réalistes que ce que nous vivons actuellement. En revanche, les biens classés A ou B, vont monter !

A cela s’ajoute la volonté de la part du gouvernement de réduire l’impact carbone des rénovations, avec l’usage de matériaux biosourcés.

C / La réglementation environnementale de la construction (RE2020)

Depuis le 1er janvier 2022 (avec 2 ans de retard) une nouvelle réglementation en matière de construction s’impose. Jusqu’ici la précédente norme constructive (la RT2012) misait sur la consommation d’un bâtiment. Il fallait donc bien étanchéifier et isoler une construction pour réduire les consommations d’énergie (l’usage).

Désormais avec cette nouvelle réglementation, on doit aussi prendre en compte l’impact carbone des matériaux utilisés (ACV). Or, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, beaucoup de matériaux utilisés aujourd’hui ont un impact environnemental énorme : parce qu’il faut beaucoup d’énergie pour l’extraction des matières premières, fabrication, transport, mise en œuvre, entretien, et désormais son recyclage.

On s’oriente donc vers le choix de matériaux à faible impact carbone, tels les matériaux biosourcés.

On pourrait aller plus loin dans le contexte, en reprenant notamment l’étude du Stockholm Resilience Center sur les limites planétaires. Aujourd’hui, nous aurions dépassé 6 limites : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité (70% des espèces en chute), le cycle de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation des sols, la pollution (comme le plastique) et l’utilisation de l’eau douce. Reste 3 limites : l’acidification des océans, la dégradation de la couche d’ozone, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère.

Il nous faut donc prendre en compte ces paramètres dans le choix de son habitat, de son emplacement, sa conception, ses capacités de résilience, du choix des matériaux & solutions, son niveau d’autonomie

Alors, vaut-il mieux construire ou rénover ?

Quelques données :

  • 9% de logements vacants en France, soit environ 3 millions (17% sur Paris !)
  • 1% de renouvellement du parc neuf par an (soit environ 300 000/2022, dont 100 000 pour maisons)

L’Ademe (pdf) a fait une excellente étude en 2019, pour comparer l’impact d’une construction à celui d’une rénovation de niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation) et le résultat est sans appel : “ la quantité de matériau à mobiliser en t/m2, entre une construction neuve et la rénovation d’un logement est 40 à 80 fois plus important pour le neuf, selon sa typologie “. A partir de là, la question ne se pose plus ! On n’a pratiquement tout dit, il faut limiter la construction, car elle demande plus de ressources.

Qu’est-ce qui pose problème avec la construction ?

  • la difficulté à trouver un emplacement idéal
  • participe de l’artificialisation des terres (dalles bétons, disparition des zones humides utiles à la biodiversité)
  • des coûts financiers cachés : du foncier, du permis de construire (+ taxes) et des raccordements
  • la valorisation va devenir de plus en plus compliquée en fonction des choix réalisés
  • presqu’aucune aide financière

Par contre, la construction présente des avantages :

  • sur le choix de sa conception (sa surface, ses performances thermiques, son orientation)
  • sur le choix de son aménagement intérieur et de ses équipements (aspect sanitaire, télétravail)
  • sur la rapidité de mise en oeuvre
  • sur la garantie des travaux
  • possibilité d’autoconstruction, parfois seul (maison Mikit)

Les inconvénients d’une rénovation :

  • le coût d’acquisition (privilégié les DPE F et G dont les prix sont en chute et les biens en hausse)
  • la conception d’origine demande souvent de nombreuses adaptation (dans l’aménagement, pour le confort thermique)
  • les vices cachés (humidité, terrain argileux, fuites, mauvais calculs de portance, pollutions, …)
  • le coût et surtout le temps des travaux, qu’on sous-estime largement

Attention à l’achat de bien réalisé en auto-construction sur lesquelles les malfaçons sont très (trop) régulières. Il n’y a pas de garantie ! Sauf celle des propriétaires pendant 10 ans, après la fin des travaux.

Cependant l’achat d’ancien présente quelques avantages :

  • il y a plus de disponibilités de biens (choix de l’emplacement, par rapport travail, santé, loisirs, services, approvisionnement, …)
  • les prix des passoires thermiques sont plus facilement négociables
  • il y a parfois des possibilités d’extension, de surélévation, de garage, dépendance, …
  • le coût de rénovation est inférieur à une construction (neuf 2 000€/m², ancien 1 500€/m² – hors acquisition)
  • en plus, il existe de nombreuses aides financières pour la rénovation thermique des bâtiments, mais uniquement si vous faites appel à des professionnels (les fameux RGE).

 

Il existe d’autres types d’habitat…

Les habitats alternatifs d’avenir

1/ les habitats légers (très à la mode chez les jeunes)

Les yourtes et tiny house (fixe ou mobile)

C’est une mode de vie qui va s’inscrire dans le temps :

  • pour des raisons financières évidentes
  • et parce que c’est un rêve de liberté et d’évasion (mais souvent très illusoire)

Mais je pense qu’il faut être vigilant sur plusieurs points :

  • sur la biodiversité (préservation et abus)
  • sur le choix de l’emplacement avant tout engagement (construction tiny ou achat yourte)
  • sur les besoins en eau, énergie, assainissement (bien jauger son autonomie)
  • sur la mobilité et la réversibilité de l’habitat

Je conseillerai plutôt :

Se rapprocher de l’association Hameaux légers

2/ les co-habitats : habitats groupés (partagés, participatifs), les éco-hameaux et écolieux (oasis)

3/ le bail réel solidaire

La possibilité d’acquérir un appartement ou une maison en dissociant le terrain.

5/ les logements sociaux en vente

Nous avons de nombreux articles sur BG, notamment sur la réglementation (urbanisme) et ces différents modes d’habitat (légers, co-habitat)

 

Sources :

👉 l’étude sur la densification des villes 

👉 les baux réels solidaires

« 9% de logements vacants en France, soit environ 3 millions » d’après le livre de P. Madec, Mieux avec Moins (ci-dessous)

Personnes qui m’ont inspirées :

Crédit imageRÜŞTÜ BOZKUŞ de Pixabay

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Pascal Faucompré
Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it

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