Suite à l’incendie qui a gravement endommagé la cathédrale Notre Dame de Paris, l’architecte visionnaire belge installé à Paris Vincent Callebaut a dévoilé son projet Palingenesis, dérivé du mot grec « renaissance » et « régénération » qui vise à fondre naturellement en un seul trait le toit et la flèche.
—
[De Claude Lefrançois, rédacteur et référent technique Build Green] Au départ, tout monument, fût-il aujourd’hui historique, a d’abord été un bâtiment, édifié par des hommes imprégnés du savoir-faire de leur temps, adapté aux matériaux disponibles à l’époque et limité par les technologies alors disponibles.
Il est nécessaire lorsque les hommes de l’art interviennent sur l’un d’eux, devenu au fil des temps, une œuvre, un marqueur, un symbole, de le respecter au cours des rénovations, forcément nécessaires pour en assurer la pérennité, ceci semble incontestable.
Sous le choc de la vision de l’incendie, nous avons imaginé une reconstruction à l’identique mais, le temps passant, est-ce la solution ?
En effet, s’agit-il, ici, d’une rénovation, d’un entretien ?
Avec le recul, nous sommes face à une intervention majeure, pas le remplacement d’une pierre ici ou là ou la reprise d’un élément de charpente, il s’agit de redonner vie par la construction d’un nouveau toit.
Autant, soucieux du respect du bâti et des traditions, nous aurions milité pour un respect de l’ancienne charpente, de l’ancienne couverture, autant, là, maintenant, il nous semble utile, nécessaire d’inscrire ces travaux dans une autre dynamique.
Tout comme Viollet-le-Duc a, en son temps, changé la physionomie de cette belle dame en lui en adjoignant la flèche centrale, pourquoi ne pas profiter de ce qui a été une catastrophe pour la faire évoluer, pourquoi ne pas oser ?
Il faudra bien sûr que le nouveau projet assure les équilibres nécessaires à l’équilibre du tout, particulièrement en ce qui concerne les reprises de charge et de poussées.
—-
[De l’architecte Vincent Callebaut] Projet transcendant, symbole d’un avenir résilient et écologique, le projet s’inspire du biomimétisme et d’une éthique commune pour une relation symbiotique plus juste entre les humains et la nature.
Une Flèche Contemporaine Biosourcée, Nouveau Symbole D’aspiration Spirituelle
Le projet Palingenesis prend en compte les quatre pignons tandis que la géométrie originale de l’entretoit de 10 mètres de haut a été respectée avec des toits inclinés à 55 degrés qui s’étirent progressivement pour former une flèche verticale. En respectant les principes inhérents aux charges structurales du bâtiment vers les contreforts et les piliers fasciculés intérieurs, les quatre lignes de toiture et les quatre lignes des nervures du toit se plient et se rejoignent en harmonie vers le ciel, produisant une géométrie paramétrique et légère.
Construit avec des poutres en bois lamellé-collé, l’ossature en chêne du projet cherche à utiliser le minimum de matériaux pour assurer une empreinte carbone réduite tout en offrant de la transparence à la cathédrale. Au sommet de la flèche, le coq trouvé dans les décombres couronnera le tout, demeurant un « paratonnerre spirituel » et un « protecteur des fidèles ».
Pour Vincent Callebaut Architectures, » La nouvelle architecture de la flèche, comme un linceul soulevé de la clé de voûte évoque la renaissance, mais aussi le mystère de la cathédrale et la résurrection du Christ. Et sous le linceul, la vie et le renouveau émergent. Notre Dame éblouit à nouveau le monde en amplifiant son message universel de paix et son aspiration spirituelle « .
Une Toiture Solaire Et Ventilée, Inspirée Par Le Biomimétisme
L’idée de faire de Notre Dame un bâtiment à énergie positive, produisant plus d’énergie qu’il n’en consomme, est au cœur du projet Callebaut. En effet, le vitrail gothique tridimensionnel contemporain produit l’énergie, la chaleur et la ventilation passive de l’ensemble du bâtiment historique.
Le cadre en bois est recouvert d’un verre de cristal tridimensionnel subdivisé en éléments facettés en forme de losange. Constitué d’une couche organique active, ce cocktail de carbone, d’hydrogène, d’azote et d’oxygène va absorber la lumière et la transformer en énergie. L’énergie, stockée dans les piles à hydrogène, sera directement redistribuée dans toute la cathédrale.
L’entretoit du grenier de la cathédrale offre également un espace tampon thermique qui accumule l’air chaud en hiver pour mieux isoler la cathédrale tandis qu’en été, il s’évapore avec l’air frais grâce à l’évapotranspiration des plantes. Ainsi, la cathédrale deviendrait une structure d’éco-ingénierie exemplaire et l’Église un véritable pionnier de la résilience environnementale.
Au cœur du projet se trouve un jardin consacré à la contemplation et à la méditation. Au-delà de l’esthétique, le jardin doit être cultivé par des bénévoles et des associations caritatives. L’aquaculture et la permaculture produisent jusqu’à 25 kg de fruits et légumes par mètre carré et par an. Ainsi, jusqu’à 21 tonnes de fruits et légumes pourront être récoltés et directement redistribués gratuitement chaque année. À cette fin, un marché fermier se tiendrait chaque semaine sur le parvis de Notre-Dame.
Une Ferme Urbaine Solidaire Au Service Des Plus Démunis Sur Les Voutes D’ogives
Cette ferme urbaine est disposée sur le plan en croix de la toiture et placée dans des jardinières, qui redessinent essentiellement l’agencement des voûtes en six parties au sol. Ce jardin géométrique « à la française » s’appuie sur une structure à deux étages avec un sol léger pour cultiver les fruits et légumes.
Dans l’axe Nord-Sud, les toits du transept accueillent des bassins aquaponiques alimentant les plantes avec des engrais naturels pour poissons. De plus, ces miroirs d’eau agrandissent l’espace en reflétant les rosaces des pignons nord et sud.
En conclusion, nous militons pour un projet exemplaire en génie écologique qui assume son époque avec franchise et non pour une architecture pastiche qui muséifie la ville. Economie circulaire, énergies renouvelables, innovation sociale inclusive, agriculture urbaine, protection de la biodiversité, sans oublier beauté et élévation spirituelle, toutes ces valeurs émane de notre projet de reconstruction pour faire sens en profondeur.
Du gothique primitif au XIIème siècle à sa restauration par Viollet-le Duc au 19ème siècle, en passant par le gothique rayonnant du XIIIème siècle et le gothique flamboyant du XIVème siècle, la cathédrale Notre-Dame est résolument l’œuvre du temps qui passe et qui ne s’encombre pas de considérations stériles sur le chevauchement des styles inhérent à l’édifice.
« Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. Ainsi font les castors, ainsi font les abeilles, ainsi font les hommes. » Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831
Notre avis : ce projet est digne du plus grand intérêt et s’il respecte ces contraintes, il est pourvu de beaucoup d’attraits : marqueur de son temps au niveau des matériaux et techniques utilisés, ouverture sur la ville, respect de la 1ère destination de l’édifice, un autre lieu proposé au public …
Il obtient nos suffrages … tout comme, peut-être, au fil des propositions, nous en soutiendrons d’autres, comme celui-ci, du studio belge 3D Misys.
Images : Vincent Callebaut
(source)
La particularité évolutive de Notre Dame de Paris est d’avoir , à travers les siècles, utilisé le concept, les matériaux, et le savoir-faire des contemporains du moment.
Le projet « Palingenesis » de Vincent CALLEBAUT illustre, ce phénomène de jaillissement esthétique, par les possibilités de mise en œuvre, propres au 21ème siècle, et forme le pendant des « Jeux de la XXXIIIᵉ olympiade de l’ère moderne » qui seront célébrés en été 2024 à Paris.
Souhaitons donc la bonne concordance de ces deux évènements !