Ils ne manquent pas d’air – dont ils assurent améliorer la qualité – chez Rockwool ! Écrire, sans rougir, que la laine de roche est bonne pour la santé et le bien de tous, il fallait tout de même oser. Ils l’ont fait, sur leur site destiné à convaincre du bien fondé de leur implantation dans l’Aisne sur le plateau de Courmelles, à quelques kilomètres de Soissons.
Car pour cela, ils doivent rassurer, notamment la population, laisser entendre qu’ils sont non seulement une sorte de Graal économique qui vient y sauver le monde, mais aussi, la solution écologique dont chacun rêve… Quitte à jouer sur les mots afin d’exposer leur « vérité ». Et ça manifestement, ils savent !
En effet, oui, c’est exact, la laine de roche – qui est le produit qu’ils fabriquent – « améliore le confort thermique » et donc, indirectement, la santé dans la mesure où, s’il fait moins froid chez soi, on y attrapera moins de rhume. Idem, Il est vrai aussi que, quel que soit l’isolant, un bâtiment bien isolé aura un impact positif pour l’environnement puisqu’on y chauffera et climatisera moins et donc, y consommera moins d’énergie. C’est imparable.
Cependant, si le but de la démarche était réellement d’améliorer la santé et le bien-être de tous, l’histoire se déroulerait dans ce sens et nul n’y trouverait à redire. Cependant, nous parlons là de laine de roche…
La laine de roche c’est quoi ?
Quelques rappels n’étant jamais inutiles, il est temps de nous poser la question : qu’est ce vraiment que la laine de roche ?
Tout d’abord son nom. Véritable réussite marketing, il évoque l’heureux mariage de la chaleur de la laine avec la solidité de la pierre. Vous la voyez l’image d’Epinal ? Mais si.. Le gros pull, la cheminée, les mains en creux sur le mug de thé fumant… Ah, vous voyez ! C’est fou la force des mots…
Bon, la réalité est moins glamour. Passé l’effet marketing, la laine de roche est d’abord fabriquée avec de la roche volcanique et des minéraux, souvent du basalte et de la dolomite. Jusqu’ici tout va bien, les deux étant au moins naturels. C’est ensuite que les choses se corsent. Le site Rockwool affirme que pour fabriquer leur isolant, ils y ajoutent « des matières premières secondaires (chutes de découpe de laine de roche, isolants usagés, laitier d’aciérie). Et c’est tout !
Bon, si vous l’ignorez, le laitier d’aciérie est un déchet issu de la fabrication de l’acier. OK. Mais essayer de nous faire croire que la laine de roche c’est un peu de cailloux, de l’acier et basta, ne serait-ce pas, un peu, nous prendre pour des truffes ? (qui sont des champignons, naturels eux aussi, absolument.) Il a bon dos le secret industriel !
D’abord, considérons cette histoire de « chutes de découpe de laine de roche»… Sur leur site toujours, sous l’onglet « environnement », il est noté : « tous les rebuts de production de laine de roche sont réintégrés dans le process : aucun déchet de laine de roche généré dans les usines n’est ainsi mis en décharge ». Ce site dit encore que « depuis 2012, ROCKWOOL propose à ses clients un service de recyclage de déchets de chantier». Ainsi donc, ils fabriqueraient de la laine de roche avec de la laine de roche et une grosse cuiller de roche en plus, sans doute pour ajouter du goût. Mouais…
Dans les faits, chutes et recyclage représentent 3 tonnes par an sur les 300 000 tonnes de laine produites donc 0,001 % de la production. C’est plus que léger, mais cela leur permet de dire que leur matériau est « recyclable », même si en fin de vie, les 299 997 tonnes restantes seront, elles, très probablement enfouies comme la plupart des matériaux issus de la démolition. Poursuivons…
Des “détails” qui changent la donne
Enfouir de la roche, nous pourrions convenir que ça n’est finalement pas grave. Sauf que, ce qu’ils oublient de préciser dans la composition, c’est que la recette ne s’arrête pas exactement là. Pour passer du basalte brut au rouleau de laine de roche prêt à isoler vos combles, il faut accessoirement chauffer cette roche à 1500°C. Une étape nécessaire afin de lui redonner sa texture de lave, ce qui permet de la transformer en fibres.
Premier point, sans être très tatillon, on admettra qu’une telle montée en température ce n’est pas exactement ce qu’on appelle l’écologie. Sinon nous n’isolerions pas nos maisons, nous chaufferions nous aussi sans nous poser de question (et sans aller jusqu’à 1500°C) et le débat s’arrêterait là. Second point, Rockwool profite de cette montée en température pour ajouter à la roche un liant urée-formaldéhyde (formol) à hauteur de 12,5 % de la composition du produit.
Et là, en termes d’écologie, on est encore moins dans les clous. C’est d’ailleurs pour cela que, après enquête publique, l’installation de l’usine a reçu un avis défavorable du commissaire enquêteur, ce qui est rarissime. L’enquête révélait que, outre les deux composants mis en avant sur le site, entrent également dans la fabrication du produit, le liant donc, mais aussi 300 à 500 tonnes de solution ammoniaquée et plus de 900 T de polluants atmosphériques réputés cancérigènes et perturbateurs endocriniens.
Et aussi que, pour faire fonctionner une telle usine, une consommation d’énergie de 192 Gwh/an est nécessaire, soit 2 fois ce que consomme l’ensemble du secteur résidentiel soissonnais. Dire que tout bon citoyen se sent coupable de ne pas éteindre la lumière en quittant sa chambre !
Et ça continue, encore et encore…
Pourtant, le projet d’implantation de Rockwool n’a pas été abandonné, même après le refus de permis de construire par le maire. Jeux de pouvoirs, intérêts autres que “pour la santé et le bien-être de tous” ?
Pour tenter d’y répondre, Stop Rockwool, collectif citoyen composé notamment de médecins mais aussi d’architectes, parents, et autres habitants de Soissons, tente de défendre ses intérêts en termes d’environnement, de promouvoir des alternatives écologiques et de faire face à la possible installation de l’usine classée ICPE. L’affaire est en cours. S’y échangent des arguments en termes d’environnement, santé, paysage, attractivité du territoire, emploi et l’économie, et aussi dangerosité du matériau, défiance vis-à-vis des procédures et des politiques et demande de mise en place d’alternatives.
Côté Build Green, nous n’entrerons pas dans le débat d’autant que nous n’avons échangé ni avec les élus, ni avec Rockwool; uniquement recueilli les propos du collectif de citoyens. Mais nous nous posons des questions.
En soi, qu’une entreprise de produits “pas très propres” s’implante ici ou là, à défaut d’être un fait positif, nous reconnaîtrons que ça n’est malheureusement ni rare ni étonnant. Tant qu’une grande partie de la population continuera de consommer des produits sales, il continuera de s’en produire.
Et, dans la mesure où le taux de chômage est grandissant, nous pouvons entendre que certains souhaitent faire revenir leur production sur notre territoire. De plus, la pénurie de matériaux qui sévit depuis 18 mois, en partie justifiée par des problèmes de transports entre pays, peut elle aussi encourager un tel raisonnement. Triste réalité mais réalité quand même.
Si on pensait alternatives ?
Ce qui est plus préoccupant ici, c’est que, quitte à développer emplois et isolants, quitte à parler écologie, environnement, pollution et circuits courts, on peut se demander pourquoi la Région des Hauts de France et l’agglomération du Grand Soissons, qui soutiennent le projet Rockwool, font le choix d’aider l’implantation d’un groupe suédois côté en bourse qui ne coche pas forcément toutes les cases.
Le territoire ne pourrait-il pas soutenir d’autres alternatives, comme le développement d’usines de matériaux agro-sourcés : isolants paille, lin, chanvre ou pourquoi pas Métisse ? Cela éviterait de puiser dans les stocks de roche qui, s’ils restent importants, ne sont pas renouvelables et de réduire considérablement le bilan carbone. Cela permettrait aussi créer une industrie beaucoup moins toxique mais également beaucoup moins automatisée et donc finalement, plus créatrice d’emplois.
Car si on regarde de près, Rockwool promet 130 emplois sur une implantation de 35 hectares, soit 3 emplois/ha. On a vu ratio plus intéressant ! Et puis avec la Réglementation environnementale du bâtiment RE2020 en perspective, cela aurait nettement plus de sens.
Il est bien difficile de lutter :
– contre l’emploi d’un côté (tellement de « fainéants » selon certains aimeraient trouver un job >>> seraient-ce les mêmes mais appréciés au travers d’une autre lorgnette, il est tellement facile de stigmatiser !),
– contre la finance d’autre part (forcément, une telle implantation, faute comme l’écrit Anne-Cécile de générer beaucoup d’emplois, génèrera des flux financiers d’ampleur et ça c’est important pour les économistes… et les politiques >>> pensez donc, la croissance va y trouver son compte !)
– et au final, tel qu’abordé dans le point suivant : un beau ruban à découper par un président de région le jour de l’inauguration (toujours le même dans un an ?), pensez donc, un très gros bâtiment sur 35 ha ça se remarque et ça, c’est important !
Pauvres de nous, pauvres des acteurs cités ci-avant (mais en ont-ils conscience ?Leur conscience ne serait-elle pas légèrement endormie par les intérêts financiers ou la gloriole passagère et fugace d’une belle inauguration ? )… Pourquoi « pauvres » tous ces gens, eux et nous ?
PARCE QUE la nature ne fait pas la différence entre les origines des GES pour les stocker et bouleverser le climat, PARCE QUE les candidats à l’inscription pour un job devront choisir entre gagner leur vie pour élever leurs enfants ou défendre le futur de leurs enfants en polluant le moins possible.
Bref, tout ce discours pour dire combien je partage la teneur de cet article… Merci Anne-Cécile, Merci Build Green de continuer à nous avertir des déviances.
N’oubions jamais que si les chiens aboient, la caravane pass… les chiens vont aboyer, à moins qu’ils ne veuillent pas causer un effet « Barbara Streisand », laissez les chiens aboyer et continuez à faire avancer la caravane de dénonciation de green washing, sans oublier vos autres publication, si encourageantes !
Merci Claude pour ces encouragements.
De caniche nous devenons de véritables pittbulls qui ne lâcherons pas leurs proies, tant qu’elles continueront à nous polluer !
Cet article résume bien l’enjeu de la situation schizophrénique dans laquelle les pouvoirs publics se situent faute de direction claire sur la diminution des GES. D’une part il y a nécessité d’isoler les bâtiments, et les mesures d’aide financière pour les particuliers avec (MaPrimRénov) permettent de facilité la réalisation de cet objectif de diminution de la consommation d’énergie et de dégagement de GES, mais d’autre part le soutien financier, avec l’argent public, à la production de ce type d’isolant conventionnel au bilan carbone exécrable et aux répercussions environnementales catastrophiques fait apparaître un solde négatif . L’exigence de circuit court pour maintenir l’objectif national de diminution de GES, rappelons que nous devons passer de 9,9t par habitant à 2,5t en moins de 30 ans, n’est certainement pas la laine de roche, isolant du siècle dernier, mais les isolants bio-sourcés, dont ce territoire agricole du soissonnais regorge, et qui possèdent un bilan carbone excellent.
Pour compléter je vous recommande le livre « le village contre la multinationale » aux éditions du seuil. Ce petit ouvrage co écrit par le Maire du Village de Courmelles sur lequel cette multinationale souhaite s’implanter, montre également les mécanismes du pouvoir politique local et les rouages institutionnels, faisant fi des préconisations citoyennes. Comme il est rappelé dans l’article, le Commissaire enquêteur et 80 médecins locaux ont émis un avis défavorable à cette implantation appelé à grand renfort de financement public par les présidents de la Région et de la Communauté d’agglo! Merci donc à cet article s’il peut permettre à ces décideurs de revenir sur une décision qui aurait des répercussions désastreuses si l’usine s’installait! D’autres activités de production avec des matériaux bio sourcés permettraient d’offrir d’avantage d’emplois aux locaux!
Merci Rémy. Notre combat en tant que média est de dénoncer ce type d’entourloupe et de faire prendre conscience, aussi bien au grand public qu’aux pros, qu’il faut changer de paradigme, de la conception à la fin de vie d’un projet.