Quelle est la vision d’un des référents français en matière d’éco-construction, Claude Lefrançois, sur l’habitat de demain ? Réponse en interview vidéo lors du Build Green Tour 2021.
Lors de mon séjour chez Claude Lefrançois dans l’Allier (FR-03), nous avons abordé précédemment sa formation d’habitologue et son dernier livre sur « les clés du confort thermique écologique ». Nous avons profité de ce moment de convivialité, ayant déjà longuement échangé et écrit sur le sujet sur Build Green, pour discuter de l’Habitat de demain. Et sa vision sur le sujet, sans émettre de certitudes, nous invite à nous interroger sur de nombreux points.
Voici un condensé de notre discussion, en 20 minutes !
Les thèmes abordés pendant cette interview :
(1’30) Les contraintes de demain pour l’habitat (2’38) La criticité (3’30) Construction vs Rénovation (6’14) La vie communautaire d’avant (8’01) La vie communautaire de demain (8’52) La surface par habitant (13’08) Le problème de la résidence secondaire |
(14’27) Les pistes de réflexion (15’54) La ville de demain (16’57) La déviance de l’individualisme (18’15) Etre plus à l’écoute de l’humain (19’20) De la ville aux agoras (20’50) La taxe au relationnel ajouté |
Pour rappel, Build Green, est un média engagé, co-créé avec Claude Lefrançois, qui ose donner sa définition de l’habitat écologique. Elle se résume en ces quelques points :
- respectueux : pour diminuer de sa conception à son usage, son impact (dont le CO2) sur l’environnement, en favorisant les ressources renouvelables et des solutions low-tech
- sain : pour réduire les produits allergènes et cancérigènes (polluants et ondes électromagnétiques) et un meilleur renouvellement d’air
- autonome : pour tendre vers l’auto-consommation en énergie, mais aussi en eau, en alimentation et pour une meilleure gestion des déchets
- collaboratif : pour une organisation plus participative avec son environnement social
Un contexte défavorable à la Construction
Claude Lefrançois, avant de détailler sa vision de l’habitat, pousse la réflexion et souhaite qu’on puisse s’interroger avant tout projet ainsi : « si j’aspire à ça, ça existe, j’en ai les moyens, mais est-ce que c’est légitime que j’y accède ?« . « A partir de là, ai-je le droit moral de le faire ? »
Il s’appuie dès lors sur plusieurs constats.
La Criticité des matériaux
Les ressources disponibles, au fur et à mesure que la population grandit vont s’amenuiser. C’est le cas déjà pour 41 matériaux d’après le CNRS en 2015. Et forcément sur un marché économique non régulé, quand on manque de matériaux, les prix augmentent, jusqu’à devenir inabordables.
On a déjà connu un petit épisode sur le bois en 2021, et on voit l’impact régulièrement sur les prix du gaz et du pétrole.
Dès lors, à nous de faire le choix de matériaux qui sont à la fois d’origine biosourcée mais surtout recyclables, pour que les générations futures puissent les réutiliser sans avoir à (trop) produire de nouveau.
La disponibilité du bâti ancien
Une des pistes de réflexion de Claude Lefrançois est de travailler sur l’existant. Il considère qu’on doit d’abord s’intéresser au parc ancien de sa collectivité, avant de partir sur tout nouveau projet. Il nous rappelle qu’une étude de l’Ademe (pdf) de 2019, nous révèle que pour une construction ou une rénovation de niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation) « la quantité de matériau à mobiliser en t/m2, entre une construction neuve et la rénovation d’un logement est 40 à 80 fois plus important pour le neuf, selon sa typologie« .
Et, on ne parle même pas, dans ce cadre, des émissions de CO2 à la fabrication, livraison, mise en œuvre de ces dits matériaux !
La surface utile par habitant
C’est un sujet très délicat, qui demande à faire sa révolution, car on aspire tous à de l’espace pour notre confort. Pourtant cette surface prend sur la biodiversité, demande des ressources pour construire, entretenir, rénover, et surtout chauffer, éclairer. L’exemple typique est celui des séniors, qui, pour nombre d’entre eux, ont construit ou acheté une maison familiale (56% des Français vivent dans un habitat individuel) et aujourd’hui se retrouvent à deux, parfois seul, dans un logement de 120 à 150 m², voir plus. Et donc Claude s’interroge : la surface habitable par occupant ne devrait-elle pas être un critère important ?
La difficulté pour nombre d’entre eux est de trouver une alternative, car la majorité des logements en ville ne sont pas adaptés pour cette catégorie de population.
L’utilité de la résidence secondaire
Beaucoup de citadins, qu’ils soient parisiens ou d’autres grandes villes, possèdent ou rêvent d’acheter une résidence secondaire. Cela peut aussi être une maison de famille, où tout le monde se retrouve autour de la piscine l’été ou d’une grande tablée à Noël. Des logements qui ne sont finalement habités que quelques semaines, au mieux, quelques mois dans l’année. Ce qui subtilise un parc immobilier qui pourrait bénéficier à des résidents locaux et pour certaines régions touristiques font grimper les prix ! Alors, écologie et résidence secondaire sont-elles compatibles ?
Il faut se rendre à l’évidence, avec le réchauffement climatique, et les contraintes qui vont nous être imposées en matière d’émissions de CO2, le tourisme va, dans les décennies à venir, s’adresser de plus en plus aux nationaux ! Avec près de 90 millions de touristes internationaux en 2019, cela va libérer un parc immobilier énorme, qu’il sera donc préférable de rénover et/ou louer !
Réinventer la vie en communauté
Claude est né et a vécu dans la Basse-Normandie, dans un petit village où on trouvait quelques services et commerces de proximité. La solidarité était naturellement pratiquée, entre voisins, entre agriculteurs. De cette enfance heureuse Claude en garde de bons souvenirs, même si ce n’était pas « La petite maison dans la prairie » ! Tout ceci a aujourd’hui disparu, pour plus d’individualisme. La faute à mai 1968 ?
Sans vouloir revenir à cette vie d’antan, où toute la famille, parfois sur plusieurs générations, vivait dans une même pièce, on peut imaginer réinventer cette vie communautaire, tout en préservant son intimité, au sein d’écolieux, d’éco-hameaux ou d’habitats groupés, par exemple.
Revoir la conception des villes
En ce qui concerne l’avenir des villes, Claude ne souhaite pas « tout casser ». Il se réfère à l’architecte Roland Castro qui « défend notamment l’implantation de hauts lieux symboliques de la République et de la culture pour redonner de l’intensité et de la beauté à la « banlieue » ». Claude préconise ainsi de créer des villages dans la ville en reconstituant des « agoras » avec les acteurs locaux que sont les associations, les commerces. Parmi ces derniers, il est important de redonner de l’importance aux épiceries. Celles qui peuvent réinstaurer du lien social, en pratiquant la TRA, la « Taxe au relationnel ajouté« . Par ailleurs, il est nécessaire de (re)verdir les villes, mais pour Claude cela ne doit pas non plus se faire à n’importe quel prix. Enfin, si la densification est nécessaire pour limiter l’impact carbone, regardons déjà ce qu’on peut faire avec nos petits immeubles anciens avant de se lancer dans de nouvelles constructions !
En conclusion, cette vision l’habitat de demain est une ligne de conduite à garder en tête pour se préparer aux challenges qui nous attendent, et repousser autant soit peu la descente vers un collapse, malheureusement inévitable pour l’humanité. Mais quand ? A t-il déjà commencé ? Quelles seront les conséquences ? Nul ne peut le dire, pour le moment !
Le site de Claude Lefrançois.
En savoir plus sur la formation d’Habitologue
Crédits Photos : Pascal Faucompré, Build Green
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