Joris Danthon, bien connu désormais pour ses compétences dans le domaine de l’éco-construction, des habitats légers, pour ses nombreux articles, vidéos ou livres, publie un nouvel opus : « Guide juridique pour les habitats participatifs ». Pour l’occasion, il a eu la gentillesse de nous accorder une interview pour nous parler bien évidemment habitat participatif.
Peux-tu nous rappeler quel est le principe d’un habitat participatif ?
Un habitat participatif est un habitat collectif, incarné dans un ou plusieurs ensembles immobiliers, créé et géré par ses propres habitants – éventuellement avec l’implication d’autres acteurs, comme une collectivité ou un bailleur social. Outre des logements, il comprend des équipements et espaces à usage collectif, comme une salle polyvalente, une chambre d’invité, une bibliothèque… Sa définition juridique se trouve aujourd’hui à l’article L 200-1 du code de l’urbanisme.
Est-ce que cet habitat est aujourd’hui encadré par une loi ?
L’habitat participatif bénéficie bien d’un cadre légal en France, avec de multiples structures juridiques pouvant servir au montage de ce type de projet. Pas une seule loi donc, mais une multiplicité de textes de loi dont une partie s’appliqueront en fonction du montage choisi.
Quelles sont les sources de conflits qu’on peut éviter en se structurant juridiquement ?
Elles sont nombreuses ! Me viennent en tête :
- les flous autours des droits et responsabilités des membres, d’autant plus s’ils sont de différents types (membres habitants, membres investisseurs solidaires, membres institutionnels…)
- les conflits autour du contrôle que possèdent ou non les membres sur les évolutions de la structure : qui rentre et qui sort, les processus d’inclusion, de sortie volontaire et d’exclusion, les évolutions du capital financier et immobilier.
- les tensions autour de la gouvernance : définition et élection des rôles à responsabilité, mode de vote, processus de tenue des réunions
- les incompréhensions autour du rapport à la propriété
- les sources de financement du projet, notamment est-ce qu’il est possible à un habitant, si ceci est nécessaire, de faire appel à l’emprunt immobilier pour financer son lot ou ses parts sociales ?
Quelles sont les critères sur lesquels se baser pour choisir un statut juridique ?
A mon sens, les critères prioritaires sont :
- le mode de vote, notamment le nombre de voix dont dispose un membre lors d’un vote
- la possibilité ou non pour les membres de contrôler qui rentre et sort de la structure
- le type de responsabilité financière auquel sont soumis les membres, vis-à-vis des créanciers de la structure
- le régime fiscal
- les modes de financement du projet
- le rapport à la propriété que souhaitent les membres : posséder un lot, posséder des parts sociales ou encore ne pas avoir de possession
Y a t’il une ou deux structures juridiques qui ont ta faveur ?
Un bon montage juridique est toujours du sur-mesure, le choix de la meilleure structure dépend donc bien sûr des partis-pris des futurs membres.
Une fois cela dit, la société par actions simplifiée (SAS) coopérative présente de nombreux atouts pour incarner les aspirations des porteurs de projets : une grande liberté d’écriture des statuts, la possibilité de gérer plusieurs ensembles immobiliers et des activités économiques, le principe démocratique “1 personne = 1 voix”, la limitation de la responsabilité financière des membres au montant de leurs apports, etc.
Ajoutons que la SAS coopérative peut se décliner en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), structure particulièrement pertinente sur des projets impliquant une grande diversité d’acteurs (particuliers, associations, entreprises, collectivités, bailleurs sociaux…).
Il existe une grande diversité de structures pouvant être employées, chacune avec ses spécificités : indivision, copropriété à syndicat horizontal, sociétés civiles, sociétés d’habitat participatif créées par la loi ALUR… Leur description détaillée est à retrouver dans mon livre, avec mon point de vue sur les avantages et inconvénients de chacune.
Aurais tu quelques conseils à donner avant de se lancer dans le choix d’un statut ?
Prendre le temps pour les participants de faire connaissance les uns avec les autres puis de clarifier leurs aspirations, de nombreux points étant à poser sur le papier : choix de territoire, esthétique architecturale, gouvernance, modes de financement, implication ou non de professionnels de l’immobilier ou de la construction, mode de vie au quotidien, équipements d’usage collectif, rapport à la propriété…
Prendre également le temps de bénéficier des retours d’expérience des nombreux projets qui se sont montés jusqu’à aujourd’hui, grâce à des reportages, des livres, des portes ouvertes, le réseau Habitat Participatif France.
Les outils d’intelligence collective apportent un cadre ludique et sécurisant pour aborder cette richesse de sujets, pour en avoir le mode d’emploi je recommande le livre “Faire Ensemble” de Robina McCurdy.
Les méthodes de gouvernance horizontale (sociocratie, prise de décision par consentement, outils de facilitation des réunions…) sont aussi précieuses à acquérir, sur ces sujets je recommande les contenus partagés par l’Université du Nous et l’Université des Colibris.
Enfin, se familiariser avec les bases du cadre juridique, pour être collectivement en mesure de faire des choix en conscience sur le montage juridique du projet, trop capital pour être entièrement copié sur ce qui a été réalisé dans un autre projet ou pour être totalement délégué à un professionnel du droit. Mon livre, ainsi que les webinaires que j’anime régulièrement sur le sujet, permettent de s’y former.
Où peut-on trouver ce livre ?
Il est possible de le commander auprès de tous les libraires (qui le trouveront disponible sur le réseau Dilicom), il est également possible de le commander en format pdf ou en format papier sur les principales plateformes de vente de livres en ligne ainsi que sur la plateforme The Book Edition.
Crédit Photo : Pascal Faucompré (Habitat participatif Ecolodo – Fr49)