Détail d’architecture durable : le recyclage des eaux grises

La rareté de l’eau est un problème important auquel sont confrontées de nombreuses régions du monde aujourd’hui. La population mondiale devant augmenter dans les années à venir, il est de plus en plus essentiel de trouver des moyens de conservation et de réduction de la consommation d’eau.

Une façon d’y parvenir consiste à recycler les eaux grises, qui peuvent être effectuées à la fois à petite et à grande échelle.

Le recyclage des eaux grises consiste à collecter et à réutiliser les eaux grises à d’autres fins, plutôt que de simplement les envoyer dans les égouts. Il existe de nombreuses façons de recycler les eaux grises que nous allons explorer ci-dessous. Mais, d’abord, comprenons ce que sont les eaux grises et ce qu’elle ne sont pas.

Qu’est-ce que les eaux grises ?

Les eaux grises sont des eaux usées qui ont été utilisées pour des activités domestiques telles que la vaisselle, la lessive et la douche. Elles peuvent également provenir de processus industriels tels que les tours de refroidissement, la fabrication de textiles et les centrales électriques.

Bien que les eaux grises peuvent contenir certains contaminants, elles sont généralement moins polluées que les eaux noires, qui proviennent des toilettes et d’autres sources d’égouts. Vous pouvez réutiliser les eaux grises essentiellement pour l’irrigation du jardin.

Dans la plupart des cas, il est nécessaire de les traiter avant de les réutiliser. Par exemple, les eaux grises d’un lave-vaisselle doivent être filtrées pour éliminer les particules alimentaires avant d’être utilisées pour l’irrigation. La réutilisation des eaux grises permet de conserver l’eau et de réduire la quantité d’eaux usées à traiter.

Point réglementaire sur les eaux grises en France

Il n’existe pas pour le moment de réglementation spécifique au traitement des eaux grises. Toutefois, l’utilisation des eaux usées traitées peut être autorisée à condition que les caractéristiques de ces eaux et les usages qui en sont faits soient compatibles avec les exigences de protection de la santé humaine et de l’environnement. Un nouveau décret (n° 2022-336 du 10 mars 2022) vient préciser les nouveaux usages des eaux usées.

Ainsi, les locaux à usage d’habitation ne sont donc pas autorisées à utiliser les eaux usées traitées à l’intérieur, et ne peuvent donc pas être autorisés pour les usages suivants :

Alimentaires, dont la boisson, la préparation, la cuisson et la conservation des aliments, le lavage de la vaisselle ;
L’hygiène du corps et du linge ;
D’agrément comprenant notamment, l’utilisation d’eau pour les piscines et les bains à remous, la brumisation, les jeux d’eaux, les fontaines décoratives accessibles au public.

Un premier pas avant l’extension des usages des eaux grises recyclées en France.

L’Avis de l’Anses sur les eaux grises

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est très réservée sur le sujet. L’Agence estime que la pratique de réutilisation des eaux grises dans l’habitat doit être encadrée, et ne doit être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau.

Sous réserve de la mise en œuvre d’un traitement et de mesures de gestion du risque appropriées, les eaux grises traitées peuvent être adaptées à trois usages en milieu domestique, si elles répondent à des critères de qualité précis au point d’usage :

  • l’alimentation de la chasse d’eau des toilettes ;
  • l’arrosage des espaces verts (excluant potagers et usages agricoles) ;
  • le lavage des surfaces extérieures sans génération d’aérosols (sans utilisation de nettoyeur à haute pression). Toutefois, dans ce cas l’ajout de produits d’entretien dans les eaux grises traitées est déconseillé.

Enfin,  l’Anses recommande que chaque projet de réutilisation d’eaux grises brutes dans l’habitat fasse l’objet d’une démarche systématique d’analyse des risques, afin de s’assurer que les bénéfices sont supérieurs aux risques pour la santé des occupants et des travailleurs amenés à utiliser des eaux grises traitées dans l’habitat. La traçabilité est donc primordiale pour garantir la sécurité sanitaire au cours du temps et éviter toute dérive.

 

A noter : dans le cadre d’un assainissement non collectif (filtres plantés, microstations), en sortie, les eaux usées traitées doivent être infiltrées si la perméabilité du sol le permet. Le rejet d’eaux usées traitées vers le milieu hydraulique superficiel n’est possible qu’après une étude particulière démontrant qu’aucune autre solution d’évacuation n’est envisageable et après autorisation du propriétaire ou du gestionnaire du milieu récepteur. + d’infos

 

Comment recycler les eaux grises à la maison

Si dans la théorie recycler ses eaux grises semble relativement évident, pour passer à la pratique voici les étapes de mise en place à suivre pour réussir son projet :

  • Récupérez l’eau : cela peut être fait en détournant l’eau de votre douche, de votre lavabo ou de votre machine à laver à l’aide d’une simple vanne de dérivation soit si l’installation le permet de façon groupée en fin de canalisation, soit canal par canal pour éviter le mélange avec des eaux noires.
  • Stockez l’eau grise : comme cette eau grise n’est pas systématiquement utilisée, il convient de prévoir une solution de stockage. Si la quantité d’eau est infime (moins de 300L par jour), cela peut être fait via un récupérateur d’eau classique, en plastique par exemple.
    En parallèle, vous pouvez aussi récupérer l’eau de pluie pour l’ajouter au réseau, dans un simple tonneau ou via un système de récupération plus volumineux (cuve enterrée béton ou plastique, citerne plastique souple ou rigide).
  • Filtrez l’eau : une fois que l’eau récupérée, elle devra être filtrée pour éliminer toute saleté, débris, résidu de savon ou autre polluant.
  • Prévoyez une tuyauterie de distribution dédiée : pour éviter de mélanger l’eau traitée au réseau d’eau potable, il est nécessaire de prévoir dans le réseau domestique un réseau dédié. C’est, avec le filtrage, certainement l’investissement le plus important à prévoir.

La filtration

Il existe plusieurs façons de filtrer les eaux grises à la maison. Une méthode courante consiste à laisser l’eau se déposer dans un réservoir pendant 24 heures avant de l’utiliser. Cela permet aux particules solides et à la saleté de se déposer au fond tandis que l’eau plus propre monte vers le haut. Cette filtration doit être réservée à un usage extérieur pour éviter tout risque de contamination d’un réseau domestique.

Pour alimenter un réseau domestique, l’Anses recommande quatre catégories de filières de traitement, en fonction du procédé de traitement principal :

  • les systèmes à deux étages, comportant une étape de macrofiltration (de type filtre à sable, filtre planté de roseaux) et/ou une étape de lagunage, parfois complétées par une désinfection;
  • les systèmes de traitements biologiques : filtres biologiques, boues activées ;
  • la filtration membranaire : microfiltration, ultrafiltration, ou nanofiltration, éventuellement précédée d’un prétraitement ;
  • les procédés hybrides, combinant des procédés biologiques et membranaires (bioréacteur à membrane, biofiltre aéré suivi d’une membrane etc.).

En fonction de la nature du traitement principal, une étape de filtration grossière peut être proposée en amont, ainsi qu’une étape de désinfection en fin de traitement. Il est constaté que les traitements proposés pour les habitats individuels sont moins évolués que ceux proposés dans les bâtiments collectifs

Une autre option consiste à utiliser un système de filtration spécialement conçu pour les eaux grises. Ces systèmes éliminent les impuretés de l’eau à l’aide de diverses méthodes, telles que les filtres à charbon actif et la lumière ultraviolette.

Quelques entreprises proposent des systèmes de filtrations complets pour la maison ou portatifs, pour un camping-car par exemple.

 

A noter : toutes les habitations isolées, non reliées au réseau d’assainissement, sont obligées d’installer un drain d’épuration des eaux avec une évacuation naturelle (dans un fossé généralement) dont l’étendue est fondée sur le nombre de… chambres, et pas d’habitants permanents. Ce dont n’auraient pas besoin les maisons dotées de toilettes sèches et d’un système d’eaux grises !

Identification des dangers des filtrations

Dans la plupart des cas, les mesures de maîtrise des risques recommandées visent la protection des réseaux de distribution de l’eau potable contre les erreurs de connexions, la limitation de la durée du stockage, l’entretien et la surveillance des installations.

Plusieurs sources de contamination des EGT (Eaux Grises Traitées) sont possibles :

  1. Les Dangers chimiques
    Les contaminants chimiques dans les EG (eaux grises) peuvent provenir des produits d’hygiène corporelle et cosmétiques, des médicaments, des produits d’entretien de la maison, des produits de soins pour animaux de compagnie, de jardinage, de bricolage et de loisirs mais aussi de la filière de traitement, de transport et de stockage.
    Il a été considéré que lors de la réutilisation des EG après un usage classique des eaux, les dangers associés aux contaminants chimiques peuvent être considérés comme ne présentant pas un impact déterminant pour l’analyse des risques sanitaires liés à la réutilisation des EG.
    Toutefois, des usages inappropriés (nettoyage intensif, déversement de produit de bricolage, etc.), imprévisibles, pourraient entraîner des concentrations significatives de contaminants chimiques dans les EG, lesquelles pourraient être associées à un risque sanitaire, en fonction de la nature et des concentrations des contaminants concernés.
  2. Les Dangers microbiologiques
    Le niveau de contamination microbiologique des EG et EGT est peu renseigné dans la littérature scientifique. Étant données leurs origines, il est considéré que la nature de la contamination n’est pas sensiblement différente de celle des eaux usées domestiques. Les dangers susceptibles d’être présents dans les EG sont de plusieurs types : bactéries, virus, protistes, levures et moisissures.

Dans tous les cas, pour éviter tout risque, cette eau est non potable, et ne peut naturellement être bue ou utilisée dans un usage corporel, sanitaire ou alimentaire.

Le traitement des eaux grises dans le monde

La conservation de l’eau est un problème crucial auxquels sont confrontés de nombreux pays à travers le monde. Avec une population croissante et des ressources en eau naturelles en diminution, trouver des moyens de recycler les eaux grises et de conserver l’eau est encore plus critique. Heureusement, de nombreux pays sont à l’avant-garde de ce problème.

La Suisse est l’un des leaders en matière de conservation de l’eau, avec un impressionnant 90% de ses eaux usées traitées et réutilisées. Le pays a également mis en place des politiques encourageant les résidents à utiliser moins d’eau, telles que des pommes de douche à économie d’eau obligatoires et la collecte des eaux de pluie. Ainsi, la Suisse a réduit sa consommation d’eau de 30% au cours des 20 dernières années.

L’Australie est un autre pays qui a fait de grands progrès dans la conservation de l’eau. Le pays a beaucoup investi dans le recyclage, les usines de dessalement et des campagnes d’éducation pour promouvoir des habitudes d’économie d’eau. Ces efforts ont porté leurs fruits, la consommation d’eau par habitant de l’Australie ayant chuté de 20 % entre 2001 et 2010 et diminué au cours des dix dernières années.

D’autres comme Singapour et Israël ont mis en place des systèmes innovants de recyclage des eaux grises. En conséquence, ces pays ont considérablement réduit leur consommation d’eau.

En fait, une étude de la Banque mondiale a révélé que les efforts de conservation de l’eau de Singapour ont permis au pays d’économiser plus d’un milliard de dollars par an.

Pendant ce temps, grâce au recyclage des eaux grises, Israël a réduit sa consommation d’eau de 40 %. Ces exemples montrent qu’il est possible pour les pays de réduire considérablement leur consommation d’eau grâce à une planification réfléchie et à l’innovation.

Pour évaluer l’intérêt de l’investissement d’une telle solution, en neuf comme en rénovation, éventuellement couplé à une récupération des eaux de pluie, un système de compteur d’eau permettrait une comptabilisation plus juste de l’utilisation de la ressource hydrique. 

L’enjeu de l’eau sera certainement une des problématiques majeures des années à venir. Suite aux différentes sécheresses, la France étudie donc des règlements plus spécifiques aux eaux grises pour une mise en application au cours des prochaines années. Il serait alors souhaitable que cette réglementation permette une dérogation pour les habitations isolées munies de toilettes sèches. Et pourquoi pas, avec une incitation via des aides directes ou déductions fiscales ?

Pour aller plus loin sur le traitement des eaux grises, voir le dossier spécial du site dédié à l’eau Eautarcie.org

(Sources 1 |pdf|, 2 & 3)
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Pascal Faucompré
Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it

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